De la lumière et des algues pour maitriser les écoulements

Résultat scientifique Mécanique des fluides

Si certaines algues dérivent en fonction du courant, d'autres sont capables de contrôler les flots. Des chercheurs du laboratoire Matière et systèmes complexes se sont ainsi servis d’une algue microscopique et de lumière pour maîtriser des écoulements de fluides. Ils ont pour cela détourné la capacité du micro-organisme à migrer en fonction de l’éclairage. Ces travaux sont publiés dansNature Physics.

L’algue monocellulaire Chlamydomonas reinhardtii s’approche de la surface en fonction de la lumière. Celle-ci l’attire jusqu’à un certain seuil, puis la fait fuir quand elle est trop intense. Lorsque l’algue est présente en très grandes concentrations, cette nage collective parvient à générer des écoulements dans l’eau. Des chercheurs du laboratoire Matière et systèmes complexes (MSC, CNRS/Université Paris-Diderot) ont exploité ce phénomène pour contrôler les fluides à des échelles centimétriques : ces écoulements sont mille fois plus grands que les cellules qui les génèrent et plus rapides que leur vitesse de nage.


L’astuce réside dans le fait que Chlamydomonas reinhardtii adapte son allure à l’intensité lumineuse, ce qui permet d’ajuster finement sa migration dans un liquide. Les chercheurs attirent assez de ces algues dans une zone ciblée pour augmenter leur concentration d’un facteur 50. Elles finissent par être tellement nombreuses qu’elles modifient la densité de l’eau de manière très localisée. Cette différence avec le reste du liquide provoque des écoulements sur quelques centimètres, de la même manière que se forment les courants d’air dans l’atmosphère. Avec une vitesse de 100 microns/s, ils peuvent piéger et déplacer des objets millimétriques flottant en surface.

Ces travaux permettent de mieux comprendre des phénomènes tels que les efflorescences d’algues vertes et la migration verticale jour/nuit du plancton. Ils trouvent également des applications pour mélanger et récolter les suspensions des bioréacteurs, des cuves où des micro-organismes sont accumulés pour produire de l’énergie ou des molécules rares.

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© Julien Dervaux et Philippe Brunet

Un faisceau laser vert, représenté dans l'image par un cercle en pointillé, est dirigé au centre d'une suspension d'algues. Ces dernières sont attirées par la lumière et viennent se concentrer sous le laser, formant les zones grises foncées sur la partie droite de l'image. Cette accumulation d'algues conduit à modifier localement la densité du liquide, qui devient plus "dense". Sous l'effet de la gravité, ce liquide dense va s’effondrer et créer des écoulements dans la suspension. Ces écoulements de "bioconvection" peuvent être visualisés grâce à des traceurs fluorescents comme illustré sur la partie gauche de l'image.
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© MSC

Les écoulements crées par les algues sous l'effet de la lumière permettent d'entrainer des petits objets flottants. Cette vidéo montre par exemple qu'il est possible de manipuler une petite bille de verre creuse en déplaçant la position de la source lumineuse.

Références :

Light-controlled flows in active fluids
J. Dervaux, M. Capellazzi Resta and P. Brunet
Nature Physics 13, 306–312 (2017)
DOI: 10.1038/NPHYS3926

Contact

Communication CNRS Ingénierie
Julien Dervaux
Chargé de recherche au CNRS, laboratoire Matière et systèmes complexes (CNRS, Université Paris Cité)