La résistance thermique d’interface de Kapitza s’explique

Résultat scientifique Mécanique des fluides

Alors que la miniaturisation des objets ne cesse de se perfectionner, la résistance thermique d’interface – dite résistance de Kapitza – découverte par sa prédominance à l’interface d’un solide avec l’hélium superfluide, était jusqu’à présent un phénomène limitant la performance des micro et nanostructures. Des chercheurs du Laboratoire d'informatique pour la mécanique et les sciences de l'ingénieur et du laboratoire Énergétique moléculaire et macroscopique, combustion sont enfin parvenus à caractériser cette barrière thermique grâce à la mise en évidence de la diffusion résonnante de la chaleur. Les résultats ont été publiés dans la revue Nature Materials.

La chaleur diffusant à l’interface d’un superfluide et d’un solide rencontre une forte résistance thermique. Ce phénomène, appelé « résistance de Kapitza » depuis les années 40 en hommage à son découvreur, restait jusque-là inexpliqué. En s’appuyant sur l’idée que la chaleur, comme le son, se propage dans la matière grâce aux vibrations mécaniques qui forment des ondes, le modèle d’Adamenko et Fuks montre, dans les années 70, la prédominance de la rugosité de surface dans la transmission de chaleur à l’interface des deux matériaux solide/hélium superfluide. Il décrit ainsi la diffusion de phonons - vibrations quantifiées de chaleur portées par les ondes de vibration - par la rugosité de surface.

Des physiciens du Laboratoire d'informatique pour la mécanique et les sciences de l'Ingénieur (LIMSI, CNRS/Univ. Paris-Sud) et de l’unité Énergétique moléculaire et macroscopique, combustion (EM2C, CNRS/Centrale Supelec), en étroite collaboration avec l’Institut de physique nucléaire d’Orsay (IPNO, CNRS/Univ. Paris-Sud), sont parvenus à expliquer la nature de cette barrière thermique de contact au niveau de l’interface : la chaleur arrivant sur une surface solide subit un phénomène de diffusion résonnante lorsque la hauteur des rugosités équivaut à un tiers de la longueur d’onde d’un phonon. Grâce aux qualités de l’hélium superfluide, reconnu pour ses propriétés de conductivité thermique quasi-infinie et sa grande pureté, les chercheurs ont pu sonder la surface d’un cristal de silicium à des échelles nanométriques en fonction de la température et de la pression du superfluide. En outre, ils ont démontré que les phonons provenant de l’hélium, piégés par des rugosités, sont porteurs de chaleur et finissent par se répandre dans le solide. La résistance thermique liée au passage de la chaleur à la surface solide pouvant être ainsi réduite d’un facteur 100. Les résultats de ces travaux ont permis d’établir le rôle de la rugosité de surface à des échelles nanométriques sur la résistance thermique, ainsi que les conditions physiques (ratio longueur d’onde des phonons/hauteur de rugosité) permettant de contrôler la nature de la diffusion de la chaleur pour toutes les interfaces. 

Au-delà des avancées significatives apportées dans la compréhension de la résistance thermique superfluide/solide, nécessaire, entres autres, pour le refroidissement de cavités supraconductrices d’accélérateurs de particules, ces résultats ont un impact plus général. Les transferts conductifs dans les solides sont en effet dominés par les résistances d'interface dès lors que les dimensions sont inférieures au micron (10-6). Il peut s’agir par exemple de dispositifs dans le domaine de la nanoélectronique et de l'optoélectronique, pour lesquels les points chauds sont confinés dans des films, ou encore en thermique des nanomatériaux. 

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Représentation schématique de la cellule expérimentale, refroidie à l’aide d’un réfrigérateur à l’helium-3. La cellule comprend un cristal de silicium, inséré dans un tube en inox contenant de l’hélium superfluide. La température d’hélium est régulée à l’aide d’une sonde Ge calibrée.  Le flux de chaleur est  fourni par le chauffage constitué d’un fil de manganin. Les températures sont mesurées à l’aide des thermomètres RuO2. 
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Réfrigérateur fonctionnant à l’Hélium-3 liquide permettant d’accéder à des basses températures allant de 0,3 Kelvins (K) à 4 Kelvins. La cellule expérimentale est attachée à la source froide (POT He-3) du réfrigérateur. Les fils des mesures sont « thermalisés » à divers endroits sur le réfrigérateur pour réduire au maximum les apports de chaleur parasites sur la cellule expérimentale.

Références :

A. Ramiere, S. Volz et J. Amrit
Thermal resistance at a solid/superfluid helium interface
Nature Materials (2016)
DOI:10.1038/nmat4574

Contact

Jay Ammit
Chercheur