Les matériaux mous frottent moins que prévu

Résultat scientifique Matériaux et structures

Bonne nouvelle pour les partisans du moindre effort : faire glisser un solide mou serait plus facile qu’attendu. Des chercheurs du Laboratoire de tribologie et dynamique des systèmes, du laboratoire Hubert Curien et du laboratoire Ingénierie des matériaux polymères ont montré que plus un solide mou est proche de se mettre en glissement, plus sa surface de contact diminue. Résultat, sa force de frottement est jusqu’à 30 % moins importante que ce que prédisent les modèles classiques. Ces travaux sont publiés dans la revue PNAS.

Lorsque l’on presse son pouce sur l’écran d’un smartphone, le contact n’a réellement lieu que sur les parties les plus saillantes du doigt. C’est pourquoi nous laissons des empreintes digitales et non pas une tache ovale et uniforme. Mais par contre quand le pouce glisse, la peau et ses zones de contact se déforment. Si l’on sait que le glissement demande la rupture progressive des points de contact, le phénomène reste mal connu car difficile à observer. Des chercheurs du Laboratoire de tribologie et dynamique des systèmes (LTDS, CNRS/École Centrale de Lyon/ENISE/ENTPE), du laboratoire Hubert Curien (CNRS/Université Jean Monnet/IOGS) et du laboratoire Ingénierie des matériaux polymères (IMP, CNRS/UJM/INSA Lyon/Université Claude Bernard) ont cependant trouvé une solution.


Posé sur une surface lisse, un solide mou rugueux a généralement des zones de contact réel de l’ordre du micron. Or cela correspond à la taille limite de détection par des méthodes optiques. En choisissant des matériaux d’une rugosité autour de 30 microns et en les posant sur une vitre, les chercheurs ont rendu observables ces zones de contact. Un éclairage travaillé permet ensuite de les faire ressortir, afin qu’elles soient automatiquement identifiées par un programme.


Enfin capables de filmer et calculer en temps réel l’évolution des zones de contact, les chercheurs ont découvert que plus on applique une force latérale pour essayer de mettre un solide mou en mouvement, plus les zones de contact diminuent. Comme la surface de contact se réduit jusqu’à 30 % juste avant la mise en glissement, la force de frottement est d’autant plus faible que s’il n’y avait pas de déformation. Ces résultats ouvrent de nouvelles pistes pour améliorer les nombreux modèles de frottement utilisés en sciences de la Terre et des matériaux.

Image retirée.
© LTDS

Images du contact entre une surface de verre et deux solides rugueux mous (fausses couleurs) : un doigt humain à gauche, et un élastomère à droite. Les zones les plus jaunes correspondent aux zones de contact intime. 

Références :

Evolution of real contact area under shear and the value of static friction of soft materials
R. Sahli, G. Pallares, C. Ducottet, I.E. Ben Ali, S. Al Akhrass, M. Guibert, J. Scheibert
PNAS (2018)
DOI : 10.1073/pnas.1706434115

Contact

Julien Scheibert
Directeur de recherche CNRS au Laboratoire de tribologie et dynamique des systèmes (LTDS, CNRS/Centrale Lyon/ENTPE)
Communication CNRS Ingénierie