Quand l'optique éclaire la formation des vagues scélérates

Résultat scientifique Photonique

La propagation d'une impulsion lumineuse dans une fibre optique peut donner naissance à des "ondes scélérates", analogues aux vagues scélérates de grande amplitude à la surface des océans. Des chercheurs de l'institut FEMTO-ST ont contribué à mettre en évidence cette analogie, qui ouvre des perspectives en océanographie, mais aussi vers la conception de sources laser plus puissantes et plus stables. Ils ont publié, en collaboration avec des chercheurs de France, Finlande, Irlande, et Australie, un article de "review"1 sur ces recherches dans la revue Nature Reviews Physics.

 

  • 1Cet article de "review" est cosigné par : John Dudley, Institut FEMTO-ST (CNRS/Université Bourgogne Franche- Comté) ; Goëry Genty, Photonics Laboratory, Tampere University (Finlande) ; Arnaud Mussot, Physique des lasers atomes et molécules (PhLAM, CNRS/Université de Lille) ; Amin Chabchoub, Centre for Wind, Waves and Water, School of Civil Engineering (université de Sidney, Australie) ; Frédéric Dias, School of Mathematics and Statistics University College Dublin (Irlande).

Les vagues scélérates, des vagues puissantes et de très grande hauteur, se produisent de manière imprévisible dans des mers agitées, et peuvent créer de graves dégâts sur des navires ou des installations off-shore. La propagation des ondes à la surface de l'océan et celles des ondes lumineuses dans une fibre optique pouvant être décrite par un même formalisme mathématique, il était légitime de supposer l'existence d'ondes scélérates en optique.

Cette hypothèse s'est confirmée à partir de 2007, d'abord en analysant des statistiques sur les pics d'intensité en optique, qui montrait l'existence de fluctuations extrêmes, puis par la génération et la mesure directe d'ondes optiques scélérates. C'est une équipe de l'institut FEMTO-ST (CNRS/Université Bourgogne Franche-Comté)2 , qui a généré et mesuré pour la première fois des ondes scélérates stables en optique. Depuis, l'analogie entre l'optique et l'océanographie est devenue un thème de recherche très dynamique: plus de 3000 publications scientifiques depuis une dizaine d'années!

L'analogie entre optique et océanographie a permis de montrer que dans une fibre optique, comme à la surface de l'océan, la formation d'ondes scélérates est liée à des instabilités causées par de multiples processus: des phénomènes quantiques, pour les ondes optiques, les fluctuations de vents ou de courants pour les vagues. Les ondes optiques scélérates peuvent, elles-aussi, être dangereuses, par exemple quand des sources laser sont utilisées en chirurgie ou dans l'industrie. C'est pourquoi l'équipe de FEMTO-ST continue à travailler sur l'instabilité des sources laser et le contrôle de la génération d'ondes scélérates, avec l'objectif de mieux les maîtriser pour créer des lasers plus stables et plus puissants.

Sur un plan plus fondamental, le laboratoire cherche à concevoir des systèmes optiques analogues à d'autres processus hydrodynamiques. Enfin, les chercheurs vont recourir à des techniques d'intelligence artificielle pour l'analyse de grandes bases de données (deep learning), afin de tenter de corréler l'apparition d'ondes scélérates avec les conditions initiales du système. L'enjeu est notamment d'anticiper le risque de formation de vagues scélérates, aujourd'hui encore impossible à prévoir.

Représentation numérique des vagues extrêmes.
© G. Genty et J. Dudley (FEMTO-ST)
Représentation numérique des vagues extrêmes.

Références :

Evaporative electron cooling in asymmetric double barrier semiconductor heterostructures,

Rogue waves and analogies in optics and oceanography
John M. Dudley, Goëry Genty, Arnaud Mussot, Amin Chabchoub & Frédéric Dias

Nature Reviews Physics 1, 675–689 (2019)

DOI :10.1038/s42254-019-0100-0

 

  • 2En collaboration avec le laboratoire interdisciplinaire Carnot de Bourgogne (ICB, CNRS/Université Bourgogne Franche-Comté).

Contact

Communication CNRS Ingénierie
John Dudley
Professeur de l’Université Franche-Comté et chercheur à l'Institut FEMTO-ST (CNRS/ COMUE UBFC)