Comment la rotation des projectiles les fait s’enfoncer dans les milieux granulaires

Résultat scientifique

Comment se comporte un objet projeté dans du sable ou du gravier ? Une collaboration franco-brésilienne a apporté la première démonstration que la rotation sur lui-même du projectile favorise sa pénétration dans le sol. Parus dans Physical Review, ces travaux livrent un modèle qui prédit la profondeur d’enfouissement en fonction de la vitesse de chute et de rotation.

Contrairement aux fluides et aux solides, le comportement mécanique des milieux granulaires n’est pas guidé par de grandes lois physiques déjà bien établies. De nombreuses disciplines ont pourtant besoin de pouvoir prédire comment un projectile va s’enfoncer dans des sols et des matériaux composés de grains, comme le sable, le gravier, les poudres ou les céréales dans les silos. Les applications vont de la mission spatiale InSight, chargée d’étudier la température du sol martien jusqu’à cinq mètres de profondeur, aux efforts de reforestation en larguant des semences par avion ou hélicoptère. Deux cas de figure existent, selon que le projectile tourne ou non sur lui-même pendant son mouvement. Des chercheurs du laboratoire Fluides, automatique et systèmes thermiques (FAST, CNRS/Université Paris-Saclay) et de l’Université d’État de Campinas (UNICAMP, Brésil) ont montré que, à vitesse de chute égale, plus la rotation du projectile est rapide et plus celui-ci s’enfonce profondément dans un milieu granulaire. Ils ont quantifié l’efficacité de la manœuvre par un ratio entre la vitesse de rotation et la vitesse d’impact. Dans les gammes de vitesses étudiées, les projectiles plongent jusqu’à 15 % plus loin en cas de rotation. Il s’agit de la première véritable démonstration que la rotation favorise la pénétration dans le sol.

Les scientifiques ont pour cela réalisé un dispositif expérimental permettant de faire impacter un projectile sphérique à vitesse contrôlée, en variant sa hauteur de lâcher, dans des billes de verre millimétriques. Celles-ci sont contenues dans un récipient en rotation, car il est beaucoup plus facile de maîtriser la rotation du milieu granulaire que celle du projectile, qui risquerait de ne plus partir droit. Les chercheurs sont restés dans des gammes de vitesses suffisamment limitées pour maintenir les billes en place, ce qui signifie qu’il n’y a pas de différences en termes de forces mécaniques selon qui tourne du milieu granulaire ou du projectile. Ils ont ainsi découvert que, pendant l’enfouissement, la rotation favorise la fluidisation du milieu granulaire autour du projectile. Cela diminue la pression sous le projectile, qui s’enfonce donc plus facilement.

Les chercheurs en ont tiré un modèle physique capable de prédire la profondeur d’enfouissement du projectile en fonction de sa vitesse de chute et de la rotation du milieu granulaire. Ils tentent à présent de modéliser la morphologie des cratères produits par de tels impacts et la trajectoire d’éjection des grains.

Comment la rotation des projectiles les fait s’enfoncer dans les milieux granulaires
Séquence de l’impact du projectile dans le milieu granulaire composé de microbilles.
© Y. Bertho

Influence of rotation on the penetration of a projectile into a granular medium

Audiodescription

Références
Penetration of a spinning sphere impacting a granular medium.
D. D. Carvalho, Y. Bertho, E. M. Franklin, and A. Seguin.
Phys. Rev. E 109, 054902 (2024).

https://doi.org/10.1103/PhysRevE.109.054902
Article consultable sur la base d’archives ouvertes Arxiv

Contact

Yann Bertho
Enseignant-chercheur, laboratoire Fluides, automatique et systèmes thermiques (FAST, CNRS/Université Paris-Saclay)
Communication CNRS Ingénierie