Comment les aérosols marins se forment sous l'eau

Résultat scientifique

Les gouttes submicroniques des aérosols marins ont un impact significatif sur l'environnement, la santé et le climat. Une étude menée en collaboration avec des chercheurs chinois, révèle que ces gouttelettes sont générées majoritairement à l’intérieur de bulles formées sous l’eau, et non pas lorsqu’elles éclatent en surface, comme on le pensait jusqu’à maintenant. Ces résultats sont publiés Physical Review Letters.

Des gouttelettes de taille inférieure au micron, libérées à la surface des océans, sont la principale source naturelle des aérosols atmosphériques. Ces dispersions de gouttes submicroniques dans l’air jouent un rôle clé dans le cycle de l’eau à l’échelle de la planète, avec un impact significatif sur l’environnement, la santé et l’évolution du climat. On a cru pendant longtemps que ces aérosols se formaient lorsque des bulles éclatent en surface, notamment quand les vagues déferlent à proximité des côtes. Mais une nouvelle étude, menée à l’Institut de recherche sur les phénomènes hors équilibre (IRPHE, CNRS/Aix-Marseille Université/Centrale Méditerranée), en collaboration avec des chercheurs chinois, révèle que ces gouttelettes sont générées majoritairement sous l’eau.

La production des aérosols marins est étudiée depuis des décennies, et jusqu’à présent deux modes de génération des gouttelettes à la surface de l’eau étaient proposés : soit par rupture du film liquide qui constitue la paroi de la bulle, soit par un jet qui émerge de la cavité laissé par une bulle qui éclate. Mais aucun de ces mécanismes n’explique correctement la formation de gouttelettes ultrafines, de tailles submicroniques.
En se basant sur une étude précédente montrant la formation de gouttes submicroniques à partir de bulles de savon, l’équipe de l’IRPHE a alors fait l’hypothèse suivante : la majorité des gouttes submicroniques se forment en réalité sous l’eau, et non à la surface, et résulte de la collision entre des bulles. Pour tester cette hypothèse, les chercheurs ont utilisé un dispositif qui injecte de l’air sous l’eau à travers deux aiguilles séparées par une distance variable, afin de créer – ou non – les conditions d’une collision entre les bulles formées. La concentration et la taille des gouttelettes engendrées étaient mesurées grâce à des techniques mises au point par des chercheurs de l’université de Fudan à Shanghai. Les résultats ont montré une forte augmentation de la production de gouttes submicroniques quand les bulles entrent en collision. Plus précisément, l’étude a mis en évidence le mécanisme en jeu : c’est la rupture du film très fin qui se forme entre les deux bulles en collision qui engendre les gouttelettes submicroniques.

La mise en évidence d’un mécanisme de formation des aérosols marins sous la surface de l’eau ouvre de nouvelles perspectives de recherche sur les échanges entre l’océan et l’atmosphère, en particulier sur le rôle des aérosols submicroniques dans le transport de particules (virus, bactéries, microplastiques...). Par ailleurs, le phénomène de charges électriques de ces gouttelettes, encore mal connu, est un sujet d’étude appelé à se développer.

Comment les aérosols marins se forment sous l'eau
À gauche : les collisions entre 2 bulles produisent une forte augmentation du nombre n(R) de gouttelettes produites par bulle de rayon R.
À droite : visualisation du phénomène microscopique impliqué. Le film comprimé entre deux bulles en collision faseille comme un drapeau (flapping) et se déchire en une fine brume au sein de la bulle coalescée.
© Jiang, Rotily, Villermaux & Wang

Références
Abyss Aerosols : Drop Production from Underwater Bubble Collisions.
Xinghua Jiang, Lucas Rotily, Emmanuel Villermaux, and Xiaofei Wang.
Physical Review Letters, publié le 8 juillet 2024.
https://doi.org/10.1103/PhysRevLett.133.024001

Contact

Emmanuel Villermaux
Professeur des universités à Aix-Marseille Université, Institut de recherche sur les phénomènes hors équilibre (IRPHE, CNRS/Aix-Marseille Université/Centrale Méditerranée)
Communication CNRS Ingénierie