Des microalgues peuvent détecter une source lumineuse à partir d’un seul photon

Résultat scientifique Bioingénierie

Le plancton se déplace en fonction de la lumière, grâce à une surprenante capacité de détection. Des chercheurs du laboratoire Matière et systèmes complexes ont en effet montré qu’un seul photon pouvait suffire à attirer des microalgues de type Chlamydomonas reinhardtii. Ces travaux pourraient aider à faciliter la culture des algues et nous éclairer sur la formation des marées vertes.

Dans le monde du plancton et des microalgues, Chlamydomonas reinhardtii est bien connue des chercheurs. Elle est en effet utilisée comme modèle pour la photosynthèse des organismes unicellulaires depuis une cinquantaine d’années, ainsi que dans des travaux de physique comme modèle de nageur. Ces algues peuvent également être mutées pour produire du biohydrogène ou des molécules d’intérêt pharmaceutique, ce qui se fait pour l’instant en laboratoire en attendant un passage à l’échelle industrielle. Un des obstacles, rencontré plus généralement dans la culture des microalgues, vient de la nécessité de constamment brasser l’eau dans laquelle elles sont en suspension. La phototaxie, c’est-à-dire la capacité des algues à se déplacer vers une source de lumière, pourrait être utilisée pour créer de tels mouvements à moindre coût énergétique. En étudiant le phénomène, des chercheurs du laboratoire Matière et systèmes complexes (MSC, CNRS/Université Paris Cité) ont montré que les Chlamydomonas reinhardtii sont si sensibles à la lumière qu’elles en détectent des sources n’ayant émis qu’un seul photon, puis se dirigent vers elles si elles en reçoivent au moins un toutes les dix secondes. Les populations d’algues peuvent également s’autoorganiser face à un champ lumineux non uniforme, créant ainsi des motifs surprenants. Ces résultats sont publiés dans la revue Physical Review Letters.

Les scientifiques ont placé ces algues dans des boîtes de Petri plongées dans le noir. Comme pour le développement de photographies, une lumière rouge est tout de même présente pour pouvoir observer les manipulations : les algues ne sont pas capables de détecter cette couleur, qui ne perturbe donc pas les mesures. Chlamydomonas reinhardtii est par contre sensible à la lumière verte. Un laser de cette teinte a été utilisé et, après un passage par un réseau de filtres et de lentilles, il n’en reste plus qu’un infime faisceau. C’est ainsi que les chercheurs ont pu mener leurs expériences et constater les réactions de Chlamydomonas reinhardtii. L’équipe poursuit ces travaux, notamment pour mesurer l’impact de la vitesse des écoulements sur les divisions cellulaires des microalgues, où encore pour tester leur réaction à des faisceaux lumineux de différentes formes. Ces études pourraient également aider à mieux comprendre la formation des marées vertes, qui sont davantage dues à un problème de migration des algues sous l’effet de la lumière qu’à leur seule prolifération.

Exemple colorisé d’auto-organisation d’algues face à une lumière hétérogène. © Ramamonjy et al.
Exemple colorisé d’auto-organisation d’algues face à une lumière hétérogène. © Ramamonjy et al.

Références

Nonlinear Phototaxis and Instabilities in Suspensions of Light-Seeking Algae
Aina Ramamonjy, Julien Dervaux, and Philippe Brunet. 
Physical Review Letters, 2022.
https://doi.org/10.1103/PhysRevLett.128.258101

Contact

Julien Dervaux
Chargé de recherche au CNRS, laboratoire Matière et systèmes complexes (CNRS, Université Paris Cité)
Communication CNRS Ingénierie