Des nanofils de silicium pour dissiper la chaleur dans les systèmes électroniques

Résultat scientifique

Une équipe internationale a montré comment un réseau périodique de nanofils de silicium courbés peut évacuer de la chaleur dans une direction privilégiée. Une solution qui permettrait de dissiper efficacement la chaleur dans les systèmes microélectroniques. Ces résultats sont publiés dans la revue ACS Nano.

La dissipation thermique est un véritable défi pour les systèmes électroniques toujours plus denses et miniaturisés. Les recherches portent notamment sur des matériaux capables de conduire la chaleur dans une direction privilégiée (conduction thermique anisotrope). Les semiconducteurs nanostructurés sont de bons candidats pour réaliser cette fonction de gestion thermique. Une équipe de scientifiques du Laboratory for Integrated Micro Mechatronics Systems (LIMMS, CNRS/Université de Tokyo) et de l'Université de Tokyo a étudié expérimentalement un dispositif de dissipation anisotrope de la chaleur, constitué d'un réseau périodique de nanofils de silicium courbés.

Par des techniques de lithographie par faisceau d'électrons et de gravure du silicium, les chercheurs ont réalisé un réseau périodique de nanofils de silicium courbés et suspendus, inspiré d'un motif oriental de vagues marines « Seigaiha » (voir illustration). Dans ce réseau, la conduction thermique, qui résulte de la propagation des phonons dans le matériau, est étudiée dans deux directions : parallèle ou perpendiculaire à l'orientation des vagues constituant le motif. La conductivité thermique a donc été mesurée dans ces deux directions, par une technique de micro thermoréflectance (µ-TDTR)1 .

L'expérience a été réalisée en faisant varier la température de l'échantillon entre 4K et 300K. Les résultats montrent que l'anisotropie thermique du matériau – le rapport entre les conductivités ''parallèle'' et ''perpendiculaire''- s'inverse à une température de 80K. Des simulations numériques ont permis de mieux comprendre le mécanisme de ce phénomène, révélant des zones à flux thermique nul selon l’orientation des motifs et la température. La simulation du déplacement des phonons dans le réseau de fils nanométriques met en évidence deux types de propagation des phonons. Aux températures les plus élevées, le déplacement est conditionné par les nombreuses collisions entre phonons : le régime du transport thermique est diffusif. Aux plus basses températures, le faible nombre de collisions induit un régime dit ''quasi-balistique''. La transition entre les deux régimes s'effectue à 80K, et explique donc l'inversion de l'anisotropie du matériau à cette température.

Ces résultats permettent d'envisager une solution de gestion thermique directionnelle des systèmes électroniques. Mais les chercheurs soulignent que ce type de dispositifs favorisant l'anisotropie thermique peuvent être améliorés en utilisant d'autres matériaux, en jouant sur la géométrie du motif nanométrique (nombre d'arcs, rayon de courbure...), ou encore en optimisant le réseau de nanofils à l'aide de techniques d'intelligence artificielle (algorithme génétique, machine learning).

Des nanofils de silicium pour dissiper la chaleur dans les systèmes électroniques
(a) Exemple du motif japonais ("seigaiha") qui a servi de modèle pour le réseau de nanofils.
(b) Illustration des différents scenari de transport des phonons selon l'orientation des motifs.
(c) et (d) Images de microscopie colorisée des échantillons utilisés pour la mesure de conductivité thermique par µ-TDTR.
(e) Variations de l'anisotropie de conductivité thermique en fonction de la température de l'échantillon.
 © LIMMS

Références
Anisotropy Reversal of Thermal Conductivity in Silicon Nanowire Networks Driven by Quasi-Ballistic Phonon Transport.
Byunggi Kim, Félix Barbier-Chebbah, Yohei Ogawara, Laurent Jalabert, Ryoto Yanagisawa, Roman Anufriev, and Masahiro Nomura.
ACS Nano, publié le 04/04/2024.
https://doi.org/10.1021/acsnano.3c12767

  • 1La technique de TDTR (Time-domain thermoreflectance) permet de déterminer la conductivité thermique de matériaux, notamment des films minces, en mesurant la variation de leur réflectance (proportion de lumière réfléchie) pendant que le matériau est chauffé.

Contact

Laurent Jalabert
Ingénieur de recherche CNRS au Laboratory for Integrated Micro Mechatronics Systems (LIMMS, CNRS/Université de Tokyo)
Communication CNRS Ingénierie