Des nanofils géants fabriqués par polymérisation photo-induite
Les nanofils sont les briques de base de la nanoélectronique car ils permettent de connecter deux dispositifs. Des chercheurs de l’Institut matériaux micro-électronique nanosciences de Provence et de l'institut FEMTO-ST ont trouvé une voie pour synthétiser des nanofils en polymère et sans défauts, de plusieurs microns de longueur. Les résultats sont publiés dans la revue Nature Chemistry.
Pour créer des dispositifs d'électronique moléculaire, l'un des défis à relever est de fabriquer des fils d'interconnexion à l'échelle nanométrique, mais dont la longueur atteint plusieurs microns. Une voie explorée depuis quelques années consiste à synthétiser un polymère à une dimension (1D) sur une surface métallique. Mais jusqu'à présent, la longueur maximale de ces types de nanofil était limitée à une centaine de nanomètres. Des chercheurs de l’Institut matériaux micro-électronique nanosciences de Provence (IM2NP, CNRS/Université de d’Aix-Marseille et de Toulon), de l’Institut FEMTO-ST (CNRS/Université de Franche-Comté/Ecole nationale supérieure de mécanique et des microtechnologies de Besançon), et de l’Université de Lincoln (Angleterre), ont développé une méthode innovante de polymérisation sur une surface qui permet d'obtenir des nanofils uniques de plus d'un micron de longueur.
Jusqu'ici, la fabrication de nanofils sur une surface repose sur des techniques de polymérisation dites « en étapes ». Elles passent par la synthèse d'espèces chimiques intermédiaires, qui ensuite s'auto-assemblent pour former le nanofil. Mais cette voie est pénalisée par la faible diffusion de ces espèces intermédiaires, ce qui limite la longueur du polymère final. De plus, ce type de polymérisation demande un apport d'énergie par chauffage, avec pour conséquence la création de défauts dans le polymère.
La nouvelle voie proposée par les chercheurs est complètement différente. Il s'agit d'une polymérisation en chaîne, et non plus en étapes : le polymère se forme progressivement par ajouts successifs d'un monomère en bout de chaîne, et la synthèse du nanofil n'est donc plus limitée par la diffusion. De plus, cette réaction de polymérisation radicalaire est induite par l'éclairage d'une lampe LED qui émet dans l'ultra-violet : le chauffage n'est plus nécessaire, et le polymère obtenu est exempt de défauts. Enfin, la synthèse du nanofil est réalisée sur une surface isolante (du chlorure de potassium) et non plus sur un métal, ce qui permet d'envisager la synthèse de divers polymères fonctionnels. Des simulations numériques ont permis aux chercheurs de mieux comprendre les mécanismes de croissance des nanofils. Ils veulent maintenant étudier l'influence des différents paramètres (nature du précurseur, température, etc.) sur la longueur du nanofil obtenu, et synthétiser des nanofils fonctionnels (conducteurs, fluorescents, etc.).
Références :
Micrometre-long covalent organic fibres by photoinitiated chain-growth radical polymerization on an alkali-halide surface,
F. Para, F. Bocquet, L. Nony, C. Loppacher, M. Féron, F. Chérioux, D. Z. Gao, F. F. Canova and M. B. Watkins
Nature Chemistry, (2018)
DOI https://doi.org/10.1038/s41557-018-0120-x