Des ondes de transition pour contrôler l'architecture de métamatériaux reconfigurables
En exerçant une sollicitation mécanique simple à une extrémité d'un matériau architecturé, composé d'un réseau de cellules bistables, une équipe internationale de chercheurs a montré que l'on pouvait engendrer, de manière contrôlée, des transitions globales entre de multiples configurations. Ces résultats, issus d’une collaboration entre des chercheurs du LAUM, du Caltech, de l’ETH Zurich et de l’Université d’Harvard, sont publiés dans la revue PNAS.
Les métamatériaux élastiques sont ces matériaux spécifiquement conçus pour avoir des caractéristiques intéressantes et contrôlées allant au-delà de celles habituellement observées dans les solides classiques, par exemple pour amortir efficacement des vibrations ou pour l'isolation acoustique. L’équipe internationale de chercheurs, du LAUM (CNRS/Le Mans Université), du Caltech, de l’ETH Zurich et de l’Université d’Harvard, a exploré une autre propriété de ces architectures: leur capacité à évoluer entre de multiples configurations stables à 2 ou 3 dimensions, lorsqu'elles sont le siège d’une onde mécanique de transition.
Pour étudier ce phénomène, les chercheurs ont commencé par découper, au laser ou au jet d'eau, une plaque en polymère, afin de fabriquer un matériau architecturé particulier : une structure complexe constituée d'un réseau de cellules élémentaires déformables. Chaque cellule peut adopter deux états mécaniques stables, "ouvert" ou "fermé". Lorsque l'on exerce une excitation mécanique à une extrémité du réseau, par exemple en comprimant progressivement quelques cellules, on déclenche une onde de transition qui en se propageant fait basculer les cellules élémentaires d'un état à l'autre, créant ainsi une nouvelle configuration globale du matériau.
Des expérimentations ont été réalisés sur des réseaux 2D de cellules bistables, ainsi que des simulations, basées sur un modèle inspiré des théories de transition de phase dans les solides cristallins. Cette double approche a permis d'analyser la propagation des ondes de transition dans le métamatériau, et de comprendre comment il est possible d'obtenir un effet prédéterminé de reconfiguration.
Les chercheurs ont aussi étudié l'effet de défauts ponctuels (par exemple une cellule modifiée, contrainte de rester dans un des deux états stables) volontairement introduits dans le réseau. Bien choisis, ces défauts permettent de réorienter l'onde de transition, de la ralentir, de l'accélérer, ou encore de la stopper, afin d'obtenir une configuration finale très différente de sa forme initiale. Ce mouvement, contrôlé par la configuration précise de la structure, pourrait par exemple être utilisé dans un dispositif d’actionneur ou dans la conception d’un robot souple. Les chercheurs du LAUM veulent continuer à étudier l'utilisation des ondes de transition pour des applications à la locomotion - faire avancer une structure sur un plan, par exemple. À plus long terme, le même type de dispositifs pourrait servir à déployer ou replier des structures telles que des tentes, des arches, des supports... Par ailleurs, ces structures macroscopiques, qui reproduisent les effets observés à petite échelle dans les matériaux cristallins lors de transitions de phase, ou entre des domaines dans des matériaux magnétiques, ou encore dans les fluides, pourraient s'avérer utiles comme plateforme expérimentale et théorique pour la recherche sur les transitions de phase.
Référence
Guided transition waves in multistable mechanical metamaterials,
L. Jin, R. Khajehtourian, J. Mueller , A. Rafsanjani, V. Tournat, K. Bertoldi, and D. M. Kochmann.
PNAS February 4, 2020 117 (5) 2319-2325
https://doi.org/10.1073/pnas.1913228117