Des poissons qui nagent côte à côte économisent de l'énergie

Résultat scientifique Mécanique des fluides

Contrairement à une idée généralement admise, la configuration d'un banc de poissons « en diamant » n'est pas forcément la plus efficace pour la locomotion. En observant expérimentalement le comportement collectif de groupes de poissons, des chercheurs du laboratoire de Physique et mécanique des milieux hétérogènes ont montré qu'à partir d'une certaine vitesse les poissons nagent côte à côte de manière synchronisée avec leurs voisins, adoptant une stratégie de locomotion plus économe en énergie. Ces résultats sont publiés dans la revue PNAS.

Les bancs de poissons sont depuis longtemps un objet d'études pour les hydrodynamiciens. Leurs modèles, basés sur le calcul des interactions entre les tourbillons créés par chaque poisson, démontrent que la configuration du banc dite « en diamant » améliore l'efficacité de la locomotion des poissons. Mais ces modèles ont l'inconvénient d'être en 2D, et l'observation expérimentale révèle qu'il existe d'autres configurations plus efficaces. Des chercheurs du Laboratoire de physique et mécanique des milieux hétérogènes (PMMH, CNRS/ESPCI Paris/Université Paris Diderot/UPMC) ont ainsi montré que des poissons Hemigrammus bleheri, lorsqu'ils nagent à grande vitesse, se placent côte à côte. Une stratégie de locomotion qui est plus économe en énergie.


Pour observer la nage des poissons, les chercheurs les ont placés dans un tunnel d'eau peu profonde, dans lequel circule un courant dont on peut contrôler la vitesse. Des caméras rapides, au-dessus et de chaque côté du tunnel, ont permis de suivre individuellement la position en 3D de chaque poisson, dans des groupes de 3 à 9 poissons, et de mesurer l'amplitude et la fréquence des battements de leurs queues. Résultat : à faible vitesse (exprimée en longueur du corps par seconde), les poissons adoptent effectivement une configuration en diamant, mais quand on leur impose une vitesse plus grande (jusqu'à 4 longueurs de corps par seconde), ils nagent côte à côte de manière synchronisée avec leurs proches voisins. Ce comportement correspond à une plus grande efficacité énergétique. En effet, la nage côte à côte, en rangée, se traduit par une nette diminution de la fréquence de battement de la queue des poissons. Or, cette fréquence est corrélée avec la consommation d'oxygène par le poisson, qui mesure indirectement sa consommation d'énergie. La synchronisation entre voisins est aussi un facteur d'efficacité. 
 

Les chercheurs veulent maintenant, d’une part, poursuivre leurs observations avec des bancs plus nombreux (20, puis 50 poissons) pour étudier le comportement du groupe de poissons en tant que « matière active ». Et d’autre part collaborer avec des chercheurs en neurosciences, afin de faire le lien entre le comportement biomécanique des poissons et le fonctionnement de leur système nerveux. Par ailleurs, leurs résultats pourraient inspirer la conception de petits robots nageurs bio-inspirés.

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© R. Godoy-Diana PMMH
Formation de nage collective d’un groupe de poissons Hemigrammus bleheri. 
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© B. Thiria PMMH
Configurations adoptées par des groupes de poissons
A gauche : à faible vitesse (moins de une longueur de corps par seconde)
A droite : à grande vitesse (près de 4 longueurs de corps par seconde)
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© I. Ashraf PMMH

Références :

Simple phalanx pattern leads to energy saving in cohesive fish schooling
I. Ashraf, H. Bradshaw, T. T. Ha, J. Halloy, R. Godoy-Diana & B. Thiria
Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), 2017
doi:10.1073/pnas.1706503114

Contact

Communication CNRS Ingénierie
Benjamin Thiria
Chercheur
Ramiro Godoy Diana
Chercheur