Éviter la rupture d'un matériau en redistribuant la déformation
Des chercheurs du Laboratoire des sciences des procédés et des matériaux et du laboratoire Physique et mécanique des milieux hétérogènes proposent un modèle de métamatériau qui, en redistribuant les contraintes, évite la localisation extrême de la déformation, et passe ainsi d'un comportement fragile à un comportement quasi-ductile.
Lorsqu'un matériau fragile est soumis à une contrainte, une macro-fissure peut se développer à partir d'un défaut microscopique, et provoquer sa rupture. Introduire une forme de ductilité dans le matériau est un moyen d'éviter ce comportement, qui peut être dangereux. L'une des solutions consiste à empêcher la localisation extrême de la déformation.
Pour y parvenir, des chercheurs du Laboratoire des sciences des procédés et des matériaux (LSPM, CNRS) et du laboratoire Physique et mécanique des milieux hétérogènes (PMMH, CNRS/Sorbonne Université/ESPCI Paris-PSL/Université de Paris) ont conçu le modèle d'un métamatériau qui, en redistribuant la contrainte, adopte un comportement ductile et non plus fragile.
Leur modèle, qui s'inspire du comportement de certains tissus biologiques (la peau, la matrice extracellulaire, le cytosquelette, etc.) est un composite formé de deux sous-structures aux comportements mécaniques très contrastés. La première est un système de masse-ressort, qui imite un matériau élastique non linéaire (les ressorts sont ''cassables'' sous l'action d'une contrainte). La seconde prend la forme d'un pantographe constitué de tiges inextensibles mais flexibles,connectées par des pivots. Les deux sous-structures sont couplées, et lorsque l'ensemble est étiré, les contraintes géométriques entraînent la rupture des éléments fragiles (les ressorts) un par un, tandis que le matériau adopte un comportement quasi-ductile avec un endommagement diffus.
En couplant les équations qui régissent les comportements des deux sous-structures, les chercheurs ont créé un modèle numérique qui a permis de vérifier que le système a bien le comportement ductile attendu. Ils ont aussi proposé plusieurs versions des modèles similaires en 2D qui pourraient répondre de la même manière à différents types de chargement (voir illustration). Enfin, pour aller au-delà de la preuve de concept, ils ont lancé le processus de fabrication par impression 3D d'un métamatériau couplant une sous-structure fragile et une structure dont le comportement élastique est dominée par la flexion pour redistribuer des contraintes.
Références
De-localizing brittle fracture
O. U. Salman, L. Truskinovsky
Journal of the Mechanics and Physics of Solids, Septembre 2021
https://doi.org/10.1016/j.jmps.2021.104517
Article consultable sur les bases d’archives ouvertes HAL et arXiv.