La rectification des phonons : premiers pas vers une diode thermique

Résultat scientifique

Porteurs de la chaleur, les phonons pourraient être contrôlés pour refroidir les composants et récupérer de l’énergie thermique. Des chercheurs de France et d’Asie ont réussi une rectification de phonons, c’est-à-dire faire en sorte qu’ils propagent moins la chaleur en traversant un composant dans un sens que dans l’autre. Publiés dans Nature, ces travaux reposent sur l’adaptation d’une invention de Nikola Tesla.

Dans les solides non métalliques, la chaleur est portée par des particules appelées phonons. Leur contrôle permettrait notamment de refroidir les composants électroniques et optoélectroniques, afin d’augmenter leur fiabilité et leur durée de vie. Cela pourrait aussi servir à de la récupération d’énergie thermique. Ces objectifs seraient facilités par l’existence de diodes thermiques, ne laissant passer la chaleur que dans un seul sens : on parlerait alors de rectification des phonons. Des chercheurs de l’Université de Tokyo (Japon), du Centre d’énergétique et de thermique de Lyon (CETHIL, CNRS/INSA Lyon), du Laboratory for integrated micro mechatronic systems (LIMMS, CNRS/Université de Tokyo), de l’Institut national des sciences des matériaux (Japon), de l’Institut de technologie de Harbin (Chine) et de l’Université Jiaotong du Sud-ouest (Chine) ont justement réussi, pour la première fois, à rectifier des phonons.

Les scientifiques ont pour cela utilisé des vannes Tesla, connues pour leur capacité à rectifier les fluides afin qu’ils ne puissent les traverser que dans un seul sens. Elles y parviennent grâce à la présence de boucles qui bloquent le flux en en faisant repartir une partie en arrière. Cependant, les phonons ne se comportent généralement pas comme un fluide, mais comme un gaz. Les chercheurs ont conçu des vannes Tesla micrométriques en graphite et trouvé une plage de température, entre 60 et 90 Kelvins, où les phonons fonctionnent comme un fluide. Les scientifiques ont ainsi pu observer expérimentalement une différence de 15,2 % entre les conductivités thermiques mesurées en changeant le sens du flux thermique dans la valve : il y a donc un sens où les phonons et la chaleur se propagent moins que dans l’autre. 

Ce travail constitue une étape importante vers la création d’une véritable diode thermique parfaite et l’utilisation des phonons pour la gestion thermique et la récupération d’énergie dans les dispositifs micro-opto-électroniques. Les chercheurs veulent à présent tester leur système avec des vannes Tesla en graphène, c’est-à-dire faits de films d’un seul atome d’épaisseur.

Image au microscope optique des vannes de Tesla en graphite conçues par les chercheurs. La pastille jaune est chauffée au laser pour émettre des phonons. Sur l’exemple du haut, les phonons s’échappent librement vers la gauche et la droite. Sur celui du bas, ils partent dans la boucle et reviennent se bloquer à contre-courant.
© Huang et al.

Références
A graphite thermal Tesla valve driven by hydrodynamic phonon transport.
Xin Huang, Roman Anufriev, Laurent Jalabert, Kenji Watanabe, Takashi Taniguchi, Yangyu Guo, Yuxiang Ni, Sebastian Volz & Masahiro Nomura.
Nature volume 634, pages 1086–1090 (2024).
https://doi.org/10.1038/s41586-024-08052-1
Article disponible sur la base d’archives ouvertes HAL

Contact

Sebastian Volz
Directeur de recherche CNRS et directeur du Laboratory for Integrated Micro Mechatronics Systems (LIMMS, CNRS/Université de Tokyo)
Communication CNRS Ingénierie