Le rôle surprenant de l’eau dans le séchage du bois
L’étape cruciale du séchage du bois repose sur des mécanismes mal connus, où intervient de l’eau sous forme liquide dans les cavités, ou lumens, des cellules, mais aussi adsorbée dans ses parois. Des chercheurs et des chercheuses du laboratoire Navier, du synchrotron SOLEIL et du Laboratoire de mécanique et génie civil ont montré que l’eau adsorbée servait de « pont » pour que l’eau liquide puisse s’extraire des lumens du bois, lui permettant ainsi d’atteindre la surface et de s’y s’évaporer. Ces travaux pourraient aboutir aux premiers modèles physiques du séchage du bois.
Après la coupe des arbres, le bois dit « vert » est le plus souvent séché afin d’améliorer ses caractéristiques mécaniques, de le protéger des attaques biologiques et de limiter les variations dimensionnelles durant son utilisation. Bien que ce matériau soit utilisé depuis des millénaires, les mécanismes internes du séchage ne sont toujours pas bien compris. On sait cependant que, dans le bois « vert », l’eau existe sous deux formes différentes. L’eau libre est présente en phase liquide dans les fibres et les vaisseaux des arbres feuillus, mais les fibres sont des cavités trop hermétiques pour que l’eau puisse en être évacuée par capillarité. L’eau liée se retrouve quant à elle dans les parois des cellules, sous forme d’eau adsorbée au niveau des polymères. Des chercheurs et des chercheuses du laboratoire Navier (CNRS/École des Ponts ParisTech/Université Gustave Eiffel), du synchrotron SOLEIL et du Laboratoire de mécanique et génie civil (LMGC, CNRS/Université de Montpellier) ont montré que l’eau liée permettait l’évacuation de l’eau libre, en l’aidant à atteindre la surface du bois où elle peut s’évaporer. Ces travaux sont parus dans Physical Review Applied.
Pour cela, les scientifiques ont multiplié les mesures et observations pendant le séchage d’échantillons de bois, coupés selon la direction de l’axe vertical d’un arbre, aussi bien par des pesées que par des analyses plus sophistiquées, comme la résonance magnétique nucléaire et la microtomographie aux rayons X. Cela leur a permis de distinguer l’eau libre et l’eau liée, et d’en connaître la répartition exacte. L’équipe a ainsi constaté que le bois séchait à vitesse constante, qui correspond habituellement à des effets capillaires dominants. Or ce n’est pas possible compte tenu de la structure du bois. Bien qu’une bonne partie de l’eau libre soit enfermée dans des cavités, elle parvient en fait à se connecter à l’eau liée présente dans les parois du bois. Celle-ci sert alors de « pont » pour acheminer l’eau libre jusqu’à la surface. Au fur et à mesure que cette eau disparaît, l’eau restante se répartit dans le bois et le processus d’évacuation se poursuit jusqu’à un séchage suffisant pour des applications techniques et industrielles. Les auteurs étudient à présent le phénomène selon d’autres directions, car la structure du bois n’est pas isotrope. D’autres travaux sont aussi réalisés sur du bois de résineux, dont la structure interne est différente, pour discuter de manière plus générale des mécanismes de séchage. Cela devrait aboutir au développement de modèles physiques, et non pas seulement empiriques, du séchage du bois.
Ces recherches ont été financées par le Labex MMCD (ANR-11-LABX-022-01), le CNRS (Peps INSIS CNRS « Greenwood ») et par la ligne ANATOMIX du synchrotron Soleil (EQUIPEX NanoimagesX, ANR-11-EQPX-0031) via un « proposal standard » (20180522).
Références
How Bound Water Regulates Wood Drying
H. Penvern, M. Zhou, B. Maillet, D. Courtier-Murias, M. Scheel, J. Perrin, T. Weitkamp, S. Bardet, S. Caré & P. Coussot
Phys. Rev. Applied 14
DOI: https://doi.org/10.1103/PhysRevApplied.14.054051
Pour en savoir plus :
- Découvrez le portrait de Philippe Coussot, médaille d’argent du CNRS 2015