Les gouttes d’eau modifient les propriétés des élastiques
Malgré leurs profondes différences structurales, une seule goutte suffit à rapprocher les cristaux et les solides élastiques. Des chercheurs du laboratoire Matière et systèmes complexes et du Laboratoire des sciences des procédés et des matériaux ont montré que poser une goutte sur un élastomère modifie la répartition des forces de la même manière qu’un défaut cristallin. Publiés dans la revue Physical Review Letters, ces travaux offrent de nouvelles perspectives pour contrôler les écoulements à la surface des solides mous.
Sous un puissant microscope, un élastique se compose d’une foule désordonnée de molécules en mouvement. À l’inverse, les cristaux présentent des motifs extrêmement réguliers, seulement troublés par quelques défauts. Ces derniers peuvent se déplacer ou se déformer, et impactent profondément les propriétés des cristaux, comme leur couleur ou leur malléabilité. Malgré les différences entre ces matériaux, des chercheurs du laboratoire Matière et systèmes complexes (MSC, CNRS/Université Paris Diderot) et du Laboratoire des sciences des procédés et des matériaux (LSPM, CNRS) ont découvert qu’une goutte d’eau posée sur un élastomère provoque l’apparition de défauts proches de ceux des cristaux.
Une petite goutte de liquide suffit à déformer la surface d’un élastomère, grâce à sa tension de surface. Cette force s’observe par exemple lorsqu’une goutte reste entière sur une surface plane plutôt que de s’étaler jusqu’à disparaître. Les scientifiques ont montré que la tension de surface de la goutte parvient, en tirant mécaniquement sur la surface de l’élastomère, à former une crête ou une pointe de quelques dizaines de microns. Le champ de déformation autour de la pointe, c’est-à-dire la manière dont les forces sont réparties dans l’espace, présente des discontinuités mathématiquement semblables à celles qui caractérisent les défauts cristallins. Ces travaux offrent le tout premier modèle théorique pour expliquer ces observations. Ils ouvrent également la voie au contrôle des écoulements sur les matériaux à base d’élastomère, ce qui pourrait servir à la collecte de la rosée, à concevoir des robots mous dans le domaine biomédical et à développer les capteurs microfluidiques.
Référence :
The elastocapillary ridge as a non-integer disclination,
R. Masurel, M. Roche, L. Limat, I. Ionescu and J. Dervaux
Physical Review Letters, 122, 248004 (2019)
DOI : 10.1103/PhysRevLett.122.248004