Les ondes de spin optiques, un nouvel état de la lumière

Résultat scientifique

Les états magnétiques présents dans la matière sont une source d’inspiration pour imaginer de nouveaux états de la lumière. Une équipe de l’Institut Femto-ST a conçu puis créé un équivalent optique des ondes dites « de spin » se propageant dans les aimants. Basés sur une analogie entre les propriétés « chirales » des matériaux magnétiques et des métamatériaux optiques, ces travaux sont publiés dans la revue Nano Letters.

Les aimants ont la capacité de créer et propager en leur sein des ondes magnétiques microscopiques. Ces ondes dites de spin sont quantifiées sous la forme de « quasiparticules » baptisées magnons.  Elles résultent du phénomène de précession (rotation) des micro-aimantations au cœur du matériau et de couplages entre ces micro-aimantations tournantes.  Les ondes de spin sont actuellement au centre d’une activité scientifique intense, la magnonique, car elles permettent d’envisager le transport et le traitement de l’information dans des architectures miniatures intégrées, sans déplacement d’électrons. La magnonique pourrait donc générer des composants informatiques qui ne chauffent pas, donc se positionner comme une alternative à l’électronique moins couteuse en énergie.

Des chercheurs de l’Institut Femto-ST (CNRS/Université de Franche-Comté/Supmicrotech-ENSMM/Université Technologique Belfort-Montbéliard) ont conçu et créé un équivalent optique des ondes de spin magnétiques dans des chaines de nano-hélices en carbone recouvertes d’une fine couche d’or1 . L’excitation lumineuse de telles structures « plasmoniques » déclenche des ondes de spin optique se propageant à travers la structure périodique. Chaque nano-hélice développe un phénomène optique (plasmonique) local tournant qui, par couplages successifs entre nanostructures adjacentes, aboutit à la production d’une nouvelle onde lumineuse partageant des similitudes avec les ondes de spin magnétiques. Cette approche repose sur l’exploitation de la chiralité géométrique de la matière nanostructurée comme un équivalent pour l’optique de la chiralité gyromagnétique à l’origine des micro-aimantations tournantes produisant les ondes de spin magnétiques.

Les ondes de spin optiques permettent d’entrevoir des moyens inédits de contrôler la lumière à très petite échelle. Sous leurs formes élémentaires, les ondes de spin optiques pourraient aboutir au concept de magnons optiques, une nouvelle famille de quasiparticules de lumière transportées dans des réseaux de nanostructures chirales à modes propres tournants.

Les ondes de spin optiques, un nouvel état de la lumière
À gauche, vue artistique comparative des concepts d’ondes de spin magnétique et optique. Les flèches vertes représentent les micro-aimantations, constitutives d’un aimant, en mouvements de précession. Les flèches jaunes symbolisent les couplages entre les micro-aimantations tournantes. Les hélices rouges modélisent les modes plasmoniques tournants portés par les nano-hélices en or. Les flèches jaunes désignent les couplages optiques entre nanohélices. L’idée de mouvement de rotation locale à l’origine des ces deux types d’ondes est illustrée à l’aide de cercles bleus à rayon rouge. Les rayons rouges indiquent les retards temporels entre mouvements rotatoires successifs. Cette image a été réalisée avec le concours de Blandine Guichardaz.
À droite, image au microscope électronique à balayage d’une chaîne d'hélices, support des ondes de spin optiques. L’échantillon est constitué de dix hélices de carbone de 6 tours recouvertes d’une fine couche d'or (25 nm). Les nanostructures sont fabriquées sur une couche d'or de 100 nm d'épaisseur déposée sur un substrat de verre de 1 mm d'épaisseur. Barres d’échelle : 2 µm. La chaine « plasmonique » est excitée localement à l'aide d'une nano-ouverture rectangulaire gravée au pieds de la nano-hélice la plus à droite. Sous illumination par le substrat, la nano-ouverture couple ponctuellement la lumière à la chaîne de nano-hélices.
© Femto-ST

Références
Optical Spin Waves.
V. Karakhanyan, R. Salut, M.A. Suarez, N. Martin and T. Grosjean.
Nano Letters (2024).

https://doi.org/10.1021/acs.nanolett.4c01346

  • 1Ces travaux sont soutenus par la Graduate School EIPHI.

Contact

Thierry Grosjean
Directeur de recherche CNRS à l’Institut Femto-ST (CNRS/Université de Franche-Comté, Supmicrotech-ENSMM/Université Technologique Belfort-Montbéliard)
Communication CNRS Ingénierie