Les singularités des bandes d’énergie enfin observées et décrites

Résultat scientifique Photonique

Les états électroniques ou photoniques des cristaux présentent parfois des singularités qui altèrent leurs propriétés de conduction. Ce phénomène, exploité pour obtenir des isolants spécifiques dit « topologiques », n’avait encore jamais été concrètement observé et mesuré. C’est chose faite grâce à des chercheurs de l’Institut Pascal, de l’Institut de nanotechnologies de Lecce et de l’université de Princeton. Leurs travaux, publiés dans la revue Nature, décrivent la géométrie quantique de ces singularités et prédisent leur impact sur la trajectoire d’électrons et de photons.

La structure des fonctions d’ondes des électrons, dans l’espace réciproque des impulsions, joue un rôle crucial. L’évolution de la phase des fonctions d’onde en fonction de leur impulsion peut présenter des singularités dont la présence contrôle les propriétés de conduction des solides. Un matériau isolant possédant ces singularités dans sa structure de bande va présenter sur sa surface des états de conduction avec une unique direction de propagation. On parle alors d’isolant topologique, qui est un matériau isolant en volume et présentant une conduction parfaite sur son bord. Ce principe a été étendu aux systèmes photoniques et pourrait permettre de réaliser des micro-isolateurs optiques en bloquant la réflexion d’ondes lumineuses perturbatrices. Jusqu’à présent, les expériences réalisées se sont concentrées sur des mesures de conductivité électrique ou sur l’existence d’états de bord unidirectionnels en photonique, et donc sur les conséquences de la présence supposée de ces singularités. Des chercheurs de l’Institut Pascal (CNRS/Université Clermont Auvergne/SIGMA Clermont), de l’Institut de nanotechnologies de Lecce (Italie) et de l’université de Princeton (États-Unis) ont enfin apporté la toute première mesure directe de la géométrie quantique d’une de ces singularités.

L’équipe a utilisé un système photonique, plus facile à manipuler et à étudier que les systèmes électroniques. Elle a mesuré et cartographié de manière directe, dans une microcavité planaire contenant des puits quantiques fonctionnant en couplage fort, la géométrie quantique des modes photoniques. Cette géométrie a révélé la présence intrinsèque de singularités de phase, qui sont à la base de la photonique topologique. Les chercheurs ont ainsi prédit et observé la trajectoire de paquets d’ondes, déviées par la présence des singularités, de manière assez similaire à la déviation d’un faisceau lumineux par la courbure de l’espace-temps au voisinage d’objets massifs.

Les singularités des bandes d’énergie enfin observées et décrites
© Institut Pascal
La lumière incidente est déviée par la courbure géométrique des états propres du système couplé exciton-photon. Cette déviation est assez similaire à celle causée par la déviation de faisceau par la courbure de l’espace-temps au voisinage d’objets massifs.

Référence

Measurment of the quantum geometric tensor and of the anomalous Hall drift.
A. Gianfrate, O. Bleu, L. Dominici, V. Ardizzone, M. De Giorgi, D. Ballarini, G. Lerario, K.W. West, L.N. Pfeiffer, D.D. Solnyskov, D. Sanvitto, G. Malpuech,
Nature, 578, 381385 (2020)
doi.org/10.1038/s41586-020-1989-2

 

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Communication CNRS Ingénierie
Guillaume Malpuech
Institut Pascal