L'intelligence artificielle au service de la photonique ultrarapide

Résultat scientifique Photonique

Les lasers et les dispositifs photoniques ultrarapides sont des systèmes dynamiques complexes difficiles à modéliser. Les techniques d'apprentissage automatique sont une voie prometteuse pour accélérer et améliorer leur conception.  Des chercheurs de l'institut FEMTO-ST, au sein d'une équipe internationale1 , ont publié dans la revue Nature Photonics un article de synthèse sur les dernières avancées dans ce domaine

  • 1Les autres laboratoires signataires de l'article sont : Laboratory of Photonics, Tampere University, Tampere, Finland ; Division of Laser Physics & Innovative Technologies, Novosibirsk State University, Novosibirsk, Russia ; Aston Institute of Photonic Technologies, Aston University, Birmingham, UK

Les lasers ultrarapides, qui délivrent des impulsions ultracourtes de quelques picosecondes (10-12 s) ou femtosecondes (10-15 s), sont utilisés dans les télécommunications, l'imagerie biologique, l'industrie, ou encore le médical. La conception de ces systèmes photoniques, complexes et non-linéaires, repose la plupart du temps sur des simulations numériques et des essais qui conduisent à des compromis ou des limitations de performances.

Pour dépasser ces limites, alors que les applications de la photonique exige des performances stables et parfaitement adaptées, plusieurs équipes de recherche dans le monde explorent une nouvelle voie, fondée sur des techniques d'intelligence artificielle, plus précisément sur l'apprentissage automatique (machine learning)2 . Un groupe international de scientifiques, qui comprend des chercheurs de l'institut FEMTO-ST (CNRS/Université Bourgogne Franche-Comté), a publié un article de synthèse (review) qui donne un aperçu complet de la manière dont l'apprentissage automatique peut révolutionner le développement des sources laser et des systèmes photoniques ultrarapides.

Le fonctionnement d'un dispositif photonique ultrarapide dépend d'un grand nombre de paramètres, ce qui rend difficile sa simulation à partir d'un modèle physique. Les techniques d'apprentissage automatique, qui identifient directement des motifs cohérents dans de grandes quantités de données, permettent d'extraire automatiquement les jeux de paramètres qui produisent les modes de fonctionnement et les performances visées.

Ainsi, l'article de synthèse rédigé par l'équipe internationale montre comment des algorithmes d'apprentissage automatique (algorithmes génétiques) ont été utilisés pour concevoir des sources laser ultrarapides dont les caractéristiques sont déterminées en fonction du mode de fonctionnement souhaité. D'autres algorithmes – des réseaux de neurones-  facilitent la mise en forme de l'impulsion (compression, génération de formes d'impulsions arbitraires) en sortie de la cavité laser pour l'adapter à l'application. Enfin, les techniques d'apprentissage automatique permettent aussi d'analyser les phénomènes physiques afin d'identifier les paramètres clés, et constituent ainsi une aide à la construction de modèles. Les études dans ces domaines sont en plein développement, et, selon les auteurs, devraient maintenant explorer d'autres techniques d'apprentissage automatique, ainsi que la combinaison de plusieurs techniques utilisées jusqu'ici séparément.

L'équipe de FEMTO-ST, en collaboration avec l'université de Tampere (Finlande), a également publié, dans la revue Nature Machine Intelligence, ses propres travaux très récents, montrant comment un réseau de neurones récurrents3 peut prédire le comportement dynamique d'impulsions laser ultracourtes dans une fibre optique. Cette méthode permet d'optimiser la propagation de l'impulsion en vue de l'application. L'étude a démontré l'efficacité des techniques d'apprentissage automatique appliquées à la compression d'impulsions, et à la génération de supercontinuum (source laser à très large spectre). Là encore, l'aide de l'intelligence artificielle évite d'avoir à résoudre des modèles mathématiques complexes, nécessitant des ressources informatiques parfois prohibitives.

Parmi les applications de l'intelligence artificielle en photonique figure l'utilisation d'un réseau de neurones pour identifier et classer les pics d'intensité temporelle extrêmes issus des dynamiques non linéaires, en se basant uniquement sur des mesures spectrales.  © G. Genty
Parmi les applications de l'intelligence artificielle en photonique figure l'utilisation d'un réseau de neurones pour identifier et classer les pics d'intensité temporelle extrêmes issus des dynamiques non linéaires, en se basant uniquement sur des mesures spectrales.
© G. Genty 

Références

Machine learning and applications in ultrafast photonics
G. Genty, L. Salmela, J. M. Dudley, D. Brunner, A. Kokhanovskiy, S. Kobtsev & S. K. Turitsyn
Nature Photonics  (2020)

https://doi.org/10.1038/s41566-020-00716-4

Predicting ultrafast nonlinear dynamics in fibre optics with a recurrent neural network
L. Salmela, N. Tsipinakis, A. Foi, C. Billet, J. M. Dudley & G. Genty

Nature Machine Intelligence (2021)
https://www.nature.com/articles/s42256-021-00297-z

  • 2L'apprentissage automatique (machine learning), fondé sur des techniques statistiques et des algorithmes, permet de réaliser des tâches sans programmation explicite: la machine apprend automatiquement à les réaliser à partir de données et d'exemples. Cette méthode se révèle particulièrement efficace dans des tâches de classification, de reconnaissance de motifs, de prédiction, d'optimisation de paramètres, et de construction d'un modèle d'un système dynamique complexe à partir des données observées. L'apprentissage automatique est utilisé pour des applications telles que le contrôle, le traitement de la parole, la vision artificielle, les neurosciences...
  • 3Un réseau de neurones récurrents dispose de sa mémoire interne, ce qui lui permet de modéliser des séquences temporelles, et notamment des comportements dynamiques.

Pour en savoir plus :

Contact

John Dudley
Professeur de l’Université Franche-Comté et chercheur à l'Institut FEMTO-ST (CNRS/ COMUE UBFC)
Communication CNRS Ingénierie