Quand la microscopie AFM permet d'améliorer la récolte des microalgues

Résultat scientifique

Une équipe du Toulouse Biotechnology Institute et du LAAS-CNRS a identifié[1], par microscopie à force atomique (AFM), les mécanismes moléculaires à l'origine de la floculation des microalgues, technique utilisée pour leur récolte. Cette étude ouvre la voie à une meilleure maîtrise d'une étape clé de la production de biocarburants. Les résultats sont publiés dans la revue ACS Applied Bio Materials.

 

[1] En collaboration avec des chercheurs de l'Université catholique de Louvain

Des microalgues unicellulaires ont la capacité, dans certaines conditions de cultures, d'accumuler de grandes quantités de lipides pouvant servir à la production de biocarburants. La récolte de ces microalgues est une étape clé, qui représente un tiers du coût total de production. Des chercheurs du Toulouse Biotechnology Institute (TBI, CNRS/Inrae/Insa Toulouse) et du LAAS-CNRS ont étudié la floculation des microalgues, qui consiste à agréger les cellules à l'aide d'un agent floculant afin de les séparer plus facilement. Un procédé de récolte courant, mais dont les mécanismes étaient encore mal compris.

L'équipe s'est intéressée à la récolte des microalgues Chlorella vulgaris à l'aide de chitosan, un floculant d'origine naturelle fréquemment utilisé, et qui a l'avantage de ne pas contaminer la biomasse. Pour étudier les interactions au niveau moléculaire entre le chitosan et les cellules, les chercheurs ont réalisé des expérimentations à l'aide d'un microscope à force atomique (AFM).

Une cellule unique de Chlorella vulgaris a été fixée sur le levier (cantilever) de l'AFM, afin de mesurer les forces lors de son interaction avec des molécules de chitosan déposées sur une surface de verre. Lors des mesures effectuées à faible pH (pH = 6), le profil des courbes de forces enregistrées s'est révélé typique d'une processus d'élongation de longues molécules (dépliement) présentes à la surface de la cellule. Un résultat qui dément l'hypothèse faite jusqu'à présent, selon laquelle la floculation par le chitosan était due à des interactions électrostatiques.

Des expérimentations ont aussi été menées à pH plus élevé (pH= 8), et cette fois la mesure des forces d'interaction entre la cellule et le chitosan n'a pas révélé de mécanisme de dépliement de longues molécules. En fait, dans ces conditions de pH, le chitosan précipite, et les cellules sont piégées dans les structures solides formées.

Cette étude a donc permis de mettre en évidence différents mécanismes moléculaires à l'origine de la floculation des microalgues par le chitosan, ainsi que l'influence déterminante du pH du milieu de culture sur la nature du mécanisme. Les chercheurs veulent maintenant identifier précisément les molécules de la paroi cellulaire impliquées dans l'interaction avec le chitosan (dans une première hypothèse, il pourrait s'agir de polysaccharides). L'enjeu, en réalisant une élucidation complète des mécanismes moléculaires, est de parvenir à une meilleure maîtrise du processus de récolte par floculation.

À gauche : Une cellule unique de Chlorella vulgaris est fixée sur le levier (cantilever) de l'AFM, afin de mesurer les forces lors de son interaction avec des molécules de chitosan déposées sur une surface de verre. À droite : à pH = 6, la floculation a lieu grâce aux interactions directes entre le chitosan et de longues molécules présentes à la surface des cellules, qui se déplient lors des mesures de spectroscopie de force. À pH = 8, le chitosan précipite et n'interagit plus avec les cellules, les cellules sont floculées car elles sont piégées dans les structures solides formées. © ACS Applied Bio Materials
À gauche : Une cellule unique de Chlorella vulgaris est fixée sur le levier (cantilever) de l'AFM, afin de mesurer les forces lors de son interaction avec des molécules de chitosan déposées sur une surface de verre.
À droite : à pH = 6, la floculation a lieu grâce aux interactions directes entre le chitosan et de longues molécules présentes à la surface des cellules, qui se déplient lors des mesures de spectroscopie de force. À pH = 8, le chitosan précipite et n'interagit plus avec les cellules, les cellules sont floculées car elles sont piégées dans les structures solides formées.
© ACS Applied Bio Materials

Références
Nanoscale Evidence Unravels Microalgae Flocculation Mechanism Induced by Chitosan
I. Demir, J. Blockx, E. Dague, P. Guiraud, W. Thielemans, K. Muylaert, and C. Formosa-Dague
ACS Applied Bio Materials, Publication Date (Web):November 17, 2020
https://doi.org/10.1021/acsabm.0c00772

Contact

Cécile Formosa-Dague
Chargée de recherche au CNRS au Toulouse Biotechnology Institute (CNRS/INRAE/INSA Toulouse)
Communication CNRS Ingénierie