Rencontre avec Arthur Angermuller, finaliste de MT180

Événement

Arthur Angermuller faisait partie des 16 candidats sélectionnés pour la finale nationale du concours MT180 qui a eu lieu le 13 juin à Grenoble. Ce concours réunit des centaines de doctorants qui ont pour mission d’expliquer leur thèse en 3 minutes seulement à un public non averti. Originaire de Lorraine, Arthur a choisi de faire des études en acoustique et traitement du signal à l’ENSIM au Mans pour lier les sciences à sa passion pour la musique. Il est actuellement doctorant en 2ème année de thèse « Estimation du délai Post-Mortem de l’os par méthodes ultrasonores » au laboratoire SATIE1 , à l’université Paris Seine. Il se confie sur son quotidien de chercheur et les raisons qui l’ont poussé à participer à cette aventure.

  • 1Laboratoire des Systèmes et applications des technologies de l'information et de l'énergie (SATIE, CNRS/ENS Paris-Saclay/CNAM/IFSTTAR/Univ Cergy-Pontoise/Univ Paris-Sud/ENS Rennes)
Arthur Angermuller lors de la demi-finale nationale de MT180

Pourquoi avez-vous choisi de faire de la recherche ?

Au début du cycle ingénieur, j’ai réfléchi à ce que je préférais faire entre l’alternance et la recherche. J’ai l’impression qu’en sortant d’une école, on a beaucoup de connaissances théoriques mais on ne sait pas faire grand-chose. L’idée de la thèse c’est de se spécialiser dans un domaine précis. À la fin de la thèse, j’aurais un avis d’expert et une réelle légitimité dans ce domaine. Je pourrais en parler avec assurance. En plus, je me suis toujours posé énormément de questions [rires] donc la recherche me va bien.

Je cherche à mesurer l’influence du temps d’enfouissement sur la signature acoustique. C’est un sujet à la fois intéressant et innovant car cette méthode n’a encore jamais été réalisée.

Comment avez-vous choisi votre sujet de thèse ?

Je cherchais un sujet de stage de fin d’études et j’en ai repéré un sur les os humains et l’acoustique au laboratoire SATIE. À la fin du stage, mes conclusions étaient plutôt intéressantes. Mon maître de stage, Nicolas Wilkie Chancelier, qui est par la suite devenu mon directeur de thèse, m’a convaincu de poursuivre. Mon sujet de thèse « L’estimation du délai Post-Mortem de l’os par méthodes ultrasonores » est donc la suite de mon sujet de stage. J’entame actuellement ma deuxième année de thèse et travaille en collaboration avec la police criminelle, qui me finance à 50%. Concrètement, je cherche à mesurer l’influence du temps d’enfouissement sur la signature acoustique. C’est un sujet à la fois intéressant et innovant car cette méthode n’a encore jamais été réalisée. La méthode de datation, quelle qu’elle soit, est influencée par divers paramètres. L’idéal serait d’avoir le plus de méthodes possibles pour réduire les imprécisions. Je cherche donc à développer cette méthode de datation par ultrason pour à terme, compléter la méthode de datation chimique actuellement utilisée.

 

Pouvez-vous me parler un peu plus de votre thèse ?

Au début de ma thèse, j’ai commencé par réaliser des mesures acoustiques sur différents os humains dont je connaissais le délai post-mortem. Cette première étape m’a permis de vérifier que ce délai avait bien une influence sur les mesures ultrasonores. J’ai ensuite étudié l’altération contrôlée d’os bovins pour simuler un vieillissement accéléré et établir un modèle par mesures ultrasons. Cela signifie que je mène des études chimiques d’altération contrôlée sur des os. J’effectue ensuite des mesures ultrasons et je compare ces mesures à celles réalisées sur des os vieillis naturellement. Actuellement, j’arrive à mi-parcours de ma thèse. En trois ans, je ne pourrai pas faire tout ce que j’aimerais, alors à partir des résultats déjà obtenus, je vais sélectionner plusieurs pistes pour la suite. Parmi ces pistes, je pourrais chercher à améliorer la mesure ultrasonore, caractériser la précision de cette méthode, réaliser une étude statistique ou encore améliorer la technique de vieillissement accéléré en essayant d’altérer des parties plus précises de l’os. La principale difficulté pour mes recherches est d’obtenir des échantillons d’os humains tout en ayant accès à toutes les informations nécessaires (sexe, âge post mortem, ethnie, etc).

Il n’y a pas de temps perdu en recherche, même les erreurs permettent d’avancer.

Comment se passe une journée type de doctorant ?

Mes journées ne se ressemblent pas beaucoup car je travaille sur des procédés assez longs. Je peux passer plusieurs jours sur le conditionnement des os, d’autres sur la dégradation et également plusieurs jours devant un ordinateur pour le traitement des données. J’alterne en fonction des échantillons disponibles et des résultats que je veux avoir. Lorsque certains résultats sont prometteurs, je continue dans cette direction. Mon plan de thèse évolue donc beaucoup au fur et à mesure. C’est très plaisant car il n’y a pas de routine mais ça peut aussi être frustrant. Parfois, on travaille pendant plusieurs mois sur quelque chose qui n’aboutit pas. Malgré cela, il n’y a pas de temps perdu en recherche, même les erreurs permettent d’avancer.

 

Que comptez-vous faire après votre thèse ?

Ah … question difficile [rires]. Je me suis toujours dit que j’avais le temps en trois ans de décider mais au final, je suis en deuxième année et je n’ai pas vraiment de réponse. Ce qui est sûr, c’est que je m’éclate dans la recherche donc je vais continuer. Après je ne sais pas encore vers quel sujet m’orienter, mais je reste très ouvert. L’expérience MT180 m’ouvre aussi de nouvelles portes. Je pense que la médiation scientifique a un intérêt énorme pour la société, donc ça peut être une piste. Je connais des personnes qui alternent entre les deux et ça serait le profil type que je recherche. Maintenant, il faut que j’aie des offres.

 

L’objectif de MT180 n’est pas de promouvoir des résultats de recherche mais de montrer qu’il y a un intérêt à cette recherche.

Pourquoi avez-vous eu envie de faire MT180 ?

Des doctorants y participent chaque année dans mon laboratoire. Je savais qu’on me le proposerait à un moment ou à un autre, mais c’est moi qui en ait fait la demande. J’avais déjà une idée de texte.  J’avais aussi discuté avec des doctorants de leurs expériences et ça m’a donné envie d’y participer. En plus, mon sujet de thèse s’y prête bien. La criminologie est un sujet dont on peut parler avec tout le monde, scientifiques ou non et dont tout le monde a déjà entendu parler. L’idée de transmettre en trois minutes des connaissances que j’ai mis cinq ans à acquérir me plait. Je trouve cela formidable que des personnes puissent ensuite en parler alors qu’à la base, elles n’avaient pas de connaissances sur le sujet. Le plus important pour moi, c’est que l’objectif de MT180 n’est pas de promouvoir des résultats de recherche mais de montrer qu’il y a un intérêt à cette recherche. A travers ce concours, on cherche à communiquer la démarche et l’intérêt de la science.

 

Comment vous êtes-vous préparé à MT180 ?

J’ai toujours été sur scène avec la musique mais je n’avais jamais parlé sur scène. Heureusement, il y a une formation dans le cadre du doctorat. Frédéric Guignot, professeur de Lettres Modernes et formateur MT180 nous a aidé à construire un texte et à le faire vivre. Tous mes collègues doctorants m’ont aussi entendu répéter et m’ont donné leur avis. A côté de ça, j’ai participé à des exercices similaires lors de conférences, c’est très populaire en ce moment. Les consignes ne sont pas exactement les mêmes mais ça permet de tester des idées et de voir comment le public réagit.
On nous a conseillé de faire de l’improvisation dans le texte mais je ne préfère pas. Sur trois minutes c’est compliqué, on peut vite perdre le fil et cinq secondes de trop ce n’est pas rattrapable. Alors, je connais bien mon texte mais je fais attention à ne pas tomber dans la récitation pour laisser une place à l’émotion. Pour la finale, il se trouve que je passe en premier alors j’ai adapté mon introduction pour coller à l’événement mais sinon j’ai très peu modifié mon texte.

 

Avez-vous rencontré des difficultés ?

Oui, au début j’avais un texte très imagé mais pas assez scientifique et j’ai dû recommencer. Le plus compliqué a été de repartir de zéro mais c’est aussi sûrement ce qui m’a le plus aidé. Mes idées étaient bonnes, c’était juste un travail de mise en forme. Il faut trouver le bon équilibre entre comique et informatif pour que le public reste captivé de bout en bout. Il faut parler de sciences parce que c’est l’objectif mais il faut aussi que les gens s’amusent. Trois minutes ça passe vite, il y a beaucoup d’idées et le but c’est que les personnes retiennent le principal.

Les finalistes de MT180
© MT180 CPU-CNRS - David Pell

Qu’est-ce que ce concours vous a apporté ?

La principale chose que MT180 m’a apporté c’est de l’aisance à l’oral. Le fait d’être écouté par des personnes qui ne connaissent rien à ma thèse et qui trouvent ça génial, ça me donne énormément d’assurance, je suis sur un petit nuage. On divertit intellectuellement le public. Je trouve ça très noble de se dire qu’après nous avoir écouté, ils auront appris quelque chose tout en passant un bon moment. Je me sens légitime à parler de mon sujet car c’est un sujet que je connais bien. Ce concours me donne envie de parler d’autres sujets que je maitrise moins. C’est le rôle des vulgarisateurs de s’approprier des sujets qu’ils ne maitrisent pas pour pouvoir les expliquer, mais ça viendra plus tard.

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