Un bateau propulsé par dissolution

Résultat scientifique Mécanique des fluides

La dissolution dans l'eau d'une plaque de caramel fixée sous une coque de plastique de quelques centimètres suffit à mettre en mouvement ce petit bateau. Ce mode de propulsion original a été démontré par une équipe du laboratoire Matière et systèmes complexes, qui a aussi modélisé le phénomène, afin de prédire la vitesse du bateau en fonction de paramètres physiques et géométriques. Ces résultats sont publiés dans la revue PNAS.

La propulsion d'un solide flottant dans l'eau peut être réalisée par simple dissolution d'une plaque dans l'eau. C'est ce qu'ont démontré des chercheurs du laboratoire Matière et systèmes complexes (MSC, CNRS/Université Paris Cité) et de Clark University (Worcester, MA) aux États-Unis, en collant une plaque de caramel sous une coque en plastique de quelques centimètres : le petit bateau plongé dans l'eau se met en mouvement, et atteint rapidement une vitesse stable. En effet, lorsque la plaque se dissout, il se crée à son contact une couche d’eau concentrée en sucre, plus dense que l’eau pure se trouvant en-dessous. Cette couche instable s’écoule vers le fond de l’aquarium en fins panaches d’eau sucrée, qui mettent en mouvement le fluide autour d’eux et génèrent un écoulement de convection. Comme la plaque de caramel est inclinée, les panaches ont tendance à suivre son inclinaison. L’écoulement de convection est donc dirigé vers le bas mais aussi vers l’arrière du bateau. La dissolution induit ainsi l’éjection de fluide vers l’arrière du bateau, et en réaction le bateau avance vers l’avant.

Plusieurs bateaux ont été construits pour étudier ce phénomène, en modifiant l'inclinaison de la plaque. La vitesse maximale (5 mm/s) est atteinte pour une inclinaison d'environ 25 degrés. Les panaches d'eau sucrée à l'origine du mouvement ont été mis en évidence à l'aide d'une technique d'ombroscopie, qui visualise sur un écran des zones d'indices de réfraction différents. Les chercheurs ont montré que la vitesse de propulsion dépend de paramètres géométriques (l'inclinaison de la plaque et la longueur du bateau), mais aussi des propriétés physiques du caramel et de l'eau, qui conditionnent la vitesse de dissolution de la plaque.  Ils ont élaboré un modèle de la propulsion par dissolution qui prend en compte ces différents paramètres, et ont obtenu une équation qui prédit correctement les vitesses mesurées expérimentalement. Par ailleurs, le même phénomène a été observé avec, non plus une plaque de caramel, mais un bloc de sel (NaCl) placé sous le bateau. Ces résultats sont publiés dans la revue PNAS.

Les checheurs s'intéressent maintenant à la propulsion par dissolution de plusieurs bateaux simultanément, afin d'observer les comportements collectifs qui peuvent se produire. Par ailleurs, ils projettent d'étudier le même type de phénomène lorsque qu'un bloc de glace se dissout dans l'eau salée : la propulsion par dissolution pourrait jouer un rôle non négligeable dans le déplacement des icebergs.

Un bateau propulsé par dissolution
Un bateau de 7.5 cm de long est constitué d’une plaque rectangulaire de caramel et d’une fine coque de plastique permettant à l’ensemble de flotter. Le bateau avance de la droite vers la gauche. La technique d’ombroscopie permet de visualiser les fins panaches d’eau chargée en sucre qui s’écoulent vers le bas et vers l’arrière, et induisent la propulsion du bateau.
© M. Chaigne, M. Berhanu, A. Kudrolli

Références
Dissolution-driven propulsion of floating solids
Martin Chaigne, Michael Berhanu and Arshad Kudrolli.
PNAS, 31 juillet 2023
https://doi.org/10.1073/pnas.2301947120
Article consultable sur la base d’archives ouvertes Arxiv

Contact

Martin Chaigne
Doctorant au laboratoire Matière et systèmes complexes (MSC, CNRS/Université Paris Cité)
Michaël Berhanu
Chargé de recherche CNRS au laboratoire Matière et systèmes complexes (MSC, CNRS/Université Paris Cité)
Communication CNRS Ingénierie