Un capteur optique pour le gaz sarin

Résultat scientifique

Le panel des moyens de détection des gaz de combat vient de s’élargir. Des chercheurs et chercheuses de l’Institut d’électronique et des systèmes et du laboratoire Nanomatériaux pour les systèmes sous sollicitations extrêmes ont conçu une surface semiconductrice nanostructurée qui améliore la détection du gaz sarin par la spectroscopie d’absorption infrarouge. Publiés dans les revues Advanced Optical Materials et Sensors and Actuators B : Chemical, ces travaux ouvrent une nouvelle voie vers la miniaturisation des systèmes de détection des gaz létaux.

Gaz de combat classé comme arme de destruction massive par les Nations Unies, le sarin appartient à une famille d’agents mortels contenant du phosphore, tels que le VX, le chlorosarin, le soman ou le cyclosarin. Ce phosphore leur confère une signature spectrale spécifique, essentielle pour les détecter. Dans l’idéal, les appareils qui alertent de la présence de ces gaz doivent être compacts et simples à utiliser, tout en effectuant rapidement leurs analyses. La spectroscopie d’absorption infrarouge est une candidate prometteuse, mais cette technique n’est pas assez sensible pour déceler le sarin avant qu’il ne soit déjà à des concentrations largement létales. Des chercheurs et chercheuses de l’Institut d’électronique et des systèmes (IES, CNRS/Université de Montpellier) et du laboratoire Nanomatériaux pour les systèmes sous sollicitations extrêmes (NS3E, ISL/Université de Strasbourg) ont développé un capteur optique capable d’identifier le sarin grâce à la spectroscopie d’absorption infrarouge entre 2 et 20µm, qui constitue une preuve de concept pour la miniaturisation des systèmes de détection des gaz de combat.

Les scientifiques ont pour cela conçu une surface en semi-conducteur InAsSb fortement dopée en silicium et pourvue de nanoantennes en forme de ruban. Le matériau permet ainsi de contrôler les champs électriques avec un grand degré de liberté. La lumière infrarouge est focalisée à une taille inférieure à sa longueur d’onde, lui permettant d’être absorbée davantage par les molécules de gaz. Ce système n’a pas donné de faux positif en présence d’autres gaz organiques volatils, tels que le benzène et le méthane, et est parvenu à détecter d’importantes concentrations de diméthyle-méthyl-phosphonate (DMMP). L’utilisation du sarin en laboratoire est en effet soumise à des normes de sécurité draconiennes, demandant notamment la destruction de tous les capteurs ayant été mis à son contact. Plutôt que de remplacer du matériel coûteux à chaque essai, l’équipe emploie un analogue non létal : le DMMP. Le capteur en lui-même mesure moins d’un millimètre, mais il doit encore être relié à un spectromètre de laboratoire. Les scientifiques comptent à présent pousser la miniaturisation et la sensibilité du système, et l’adapter afin que l’on puisse plus facilement choisir le gaz à détecter.

Un capteur optique pour le gaz sarin
Images en microscopie optique. Chaque carré correspond à une combinaison différente de taille, de dose et de voltage appliquée au faisceau d’électrons lors de la fabrication, par lithographie, des antennes à nanorubans. Il en résulte des antennes de propriétés différentes.
© Fehlen et al.
Un capteur optique pour le gaz sarin
Réflectance optique infrarouge de la surface nanostructurée (gauche). Schéma de la surface nanostructurée du capteur (centre). Détection expérimentale corroborée par des simulations avec les méthodes des éléments finies dans le domaine temporel (FDTD) et l’Analyse rigoureuse des ondes couplées (RCWA) (droite).
© Fehlen et al.

Références
Engineering the Infrared Optical Response of Plasmonic Structures with ϵ-Near-Zero III-V Semiconductors
Pierre Fehlen, Julien Guise, Guillaume Thomas, Fernando Gonzalez-Posada, Patricia Loren, Laurent Cerutti, Jean-Baptiste Rodriguez, Denis Spitzer, Thierry Taliercio.
Advanced Optical Materials, 2023

https://doi.org/10.1002/adom.202301656

Gas sensing of organophosphorous compounds with III–V semiconductor plasmonics
Pierre Fehlen, Guillaume Thomas, Fernando Gonzalez-Posada, Julien Guise, Francesco Rusconi, Laurent Cerutti, Thierry Taliercio, Denis Spitzer.
Sensors and Actuators B: Chemical, 2023

https://doi.org/10.1016/j.snb.2022.132987

Contact

Thierry Taliercio
Professeur à l’Université de Montpellier, Institut d’électronique et des systèmes (IES, CNRS/Université de Montpellier)
Communication CNRS Ingénierie