Un microscope à super-résolution pour capturer des tissus biologiques 3D en une seule image
Issu d'une collaboration entre l'Institut Fresnel et le Centre de biologie intégrative, un nouveau type de microscope, appelé Extended Depth-of-Field Random Illumination Microscopy, combine les avantages de la microscopie à super-résolution avec un système de détection à profondeur de champ étendue, permettant de capturer des volumes entiers en une seule image. Ces résultats sont publiés dans la revue Light: Science & Applications.
La microscopie de fluorescence est utilisée par les chercheurs en biologie pour observer des cellules et des tissus jusqu'au niveau moléculaire. Mais l'observation en très haute définition de grands échantillons volumiques, tels que des embryons ou des organoïdes (des structures cellulaires 3D qui miment l'architecture et le fonctionnement d'un organe entier), reste un défi. En effet, l’imagerie super-résolue (au-delà de la limite de diffraction) est un processus relativement lent. Pour un tissu volumique, il est en plus nécessaire d'imager successivement une série de tranches du volume observé, pour ensuite reconstruire une image 3D de l'échantillon. La méthode devient alors forcément longue, et a l'inconvénient de soumettre les cellules biologiques vivantes à une forte exposition de lumière.
Le nouveau microscope mis au point par une équipe de l'Institut Fresnel (Aix-Marseille Université/Centrale Méditerranée/CNRS), avec le Centre de biologie intégrative (CBI, CNRS/Université de Toulouse)1 , s'affranchit de ces obstacles en capturant en super-résolution tous les plans d’un tissu 3D en même temps. Les chercheurs sont parvenus à ce résultat en rapprochant et en améliorant plusieurs techniques.
Le nouvel instrument, appelé EDF-RIM (Extended Depth-of-Field - Random Illumination Microscopy), combine les avantages de la microscopie à super-résolution avec un système de détection à profondeur de champ étendue. La technologie RIM produit des images en super-résolution en utilisant des illuminations aléatoires, qui ont l'avantage d'être statistiquement insensibles à la diffusion ou aux aberrations optiques. Cette spécificité rend le RIM particulièrement adapté à l'imagerie 3D. Restait à éliminer la nécessité de capturer séquentiellement de nombreuses « tranches » pour reconstruire le volume. C'est la composante EDF du microscope qui s'en charge, car elle projette l'ensemble du volume 3D sur une seule image. Ce qui permet de réduire considérablement le temps nécessaire à l'acquisition et de minimiser l'exposition à la lumière. Le nouveau système réduit d'un facteur 10 la durée de captation d'une image 3D, par rapport à une méthode de reconstruction à partir de plusieurs images. La résolution obtenue, comparable à celle de la technologie RIM en 2D, est presque deux fois supérieure à la résolution de la microscopie conventionnelle. Le nouveau microscope a été testé sur plusieurs échantillons biologiques volumiques représentatifs des besoins en matière de recherche : un tissu d'intestin de souris, un embryon de mouche drosophile, et des cellules de culture humaine.
D'autres études de tissus biologiques sont prévues, en collaboration avec des chercheurs en biologie. Par ailleurs, les performances du microscope EDF-RIM vont continuer à progresser. Un dispositif d'éclairage ''intelligent'', qui n'illuminera que les zones d'intérêt pour l'observation, permettra d'améliorer les images obtenues (résolution, rapport signal/bruit). Le nombre d'illuminations aléatoires pourra également être minimisé, afin de réduire encore la durée du processus et l'exposition de l'échantillon à la lumière.
Références
Extended-depth of field random illumination microscopy, EDF-RIM, provides super-resolved projective imaging.
Lorry Mazzella, Thomas Mangeat, Guillaume Giroussens, Benoit Rogez, Hao Li, Justine Creff, Mehdi Saadaoui, Carla Martins, Ronan Bouzignac, Simon Labouesse, Jérome Idier, Frédéric Galland, Marc Allain, Anne Sentenac, Loïc Le Goff.
Light: Science & Applications, publié le 10 octobre 2024.
https://doi.org/10.1038/s41377-024-01612-0
Article consultable sur la base d’archives ouvertes HAL
- 1Cette innovation a aussi bénéficié d’interactions fortes avec le Laboratoire des sciences du numérique à Nantes (LS2N, CNRS/École Centrale de Nantes/Nantes Université), avec CNRS Sciences Informatiques, et avec la société RIMéo, en cours de création par Simon Labouesse, ancien PhD de l’Institut Fresnel. Financements : Agence Nationale de la Recherche (ANR-18-CE13-028, ANR-20-CE45-0024, ANR-22-CE13-0039, ANR-22-CE42-0010, ANR-22-CE42-0026), Institut Carnot Star (3D-RIM).