Voir des détails minuscules de loin avec des ondes ''rebondissantes''

Résultat scientifique

Une méthode expérimentée par un chercheur de l'IETR, en collaboration avec ses collègues de l'université de Würzburg en Allemagne et du laboratoire Kastler Brossel, permet de mesurer des détails d'un objet bien plus petit que la longueur d'onde d'illumination, tout en restant à distance, de manière non-invasive.

La résolution d'un instrument optique est limitée par le phénomène de diffraction de l'onde électromagnétique : les détails plus petits que la longueur d'onde λ utilisée ne peuvent être observés. Certains instruments, notamment des microscopes, s'affranchissent de cette limite en mesurant les ondes évanescentes, qui n'existent que très proche de l'objet observé. Cette méthode a donc l'inconvénient d'être très invasive. Un chercheur de l'Institut d’électronique et des technologies du numérique (IETR, CNRS/Univ. Rennes 1/INSA Rennes/Univ. Nantes/CentraleSupélec), en collaboration avec ses collègues de l'université de Würzburg (Allemagne) et du laboratoire Kastler Brossel (LKB, CNRS/Sorbonne Université/ENS/Collège de France), propose un autre moyen de voir des détails inférieurs à la longueur d'onde, tout en restant à distance de l'objet.

Leur méthode exploite des ondes « rebondissantes », qui se réfléchissent de multiples fois sur les parois internes d'une cage et sur l'objet qui y est placé. Ce dispositif produit des informations sur l'objet avec une résolution meilleure que la longueur d'onde, et un algorithme d'intelligence artificielle est capable de les extraire dans des résultats de mesure qui semblent aléatoires.

Pour le démontrer, les chercheurs ont construit une cage métallique de 0.8m x 0.8m x 0.5m, dont la géométrie est irrégulière. À l'intérieur sont placées deux antennes qui émettent et captent une micro-onde de fréquence 2,463 GHz, ainsi que l'objet dont il s'agit de mesurer la position avec la meilleure précision possible. Enfin, l'enceinte contient une métasurface programmable qui permet de faire varier la géométrie de la cage, et d'effectuer ainsi de multiples mesures avec une seule et même longueur d'onde. Pour interpréter les résultats, et en tirer les informations recherchées, un réseau de neurones a été au préalable entraîné sur des exemples connus. Les chercheurs ont pu montrer que, plus les ondes rebondissent, plus elles rencontrent l'objet, et plus le dispositif est sensible à des détails inférieurs à la longueur d'onde. Avec ce dispositif, ils ont obtenu une résolution maximale de λ/76 (ici : environ 0,15 cm), bien meilleure que la limite de diffraction, qui se situe à λ/2.

Le même principe peut s'appliquer à tout type d'ondes, avec des utilisations potentielles très variées : de la localisation précise de nanoparticules dans une enceinte (ondes optiques), à celles de personnes dans une pièce (ondes acoustiques), jusqu'à des techniques biomédicales de pointe comme l'imagerie photo-acoustique. De son côté, l'équipe de l'IETR étudie son utilisation pour localiser précisément l'impact d'un doigt sur une surface, en visant des applications du type interface homme-machine. Sur un plan plus fondamental, les recherches se poursuivent pour tenter d'améliorer encore la résolution permise par l'exploitation des ondes « rebondissantes ».

Le dispositif expérimental est constitué d'une cage métallique de géométrie irrégulière. A l'intérieur, 2 antennes émettent et captent une micro-onde de fréquence 2,463 GHz, dont les réverbérations successives donnent les ondes ''rebondissantes''. L'objet dont il s'agit de mesurer la position avec la meilleure précision possible est placé sur une table tournante. Enfin, la cage contient une métasurface programmable qui permet de modifier la géométrie de la cage. © Philipp del Hougne, IETR (CNRS/INSA Rennes/Univ. Rennes 1/Univ. Nantes/Centrale Supélec)
Le dispositif expérimental est constitué d'une cage métallique de géométrie irrégulière. A l'intérieur, 2 antennes émettent et captent une micro-onde de fréquence 2,463 GHz, dont les réverbérations successives donnent les ondes ''rebondissantes''. L'objet dont il s'agit de mesurer la position avec la meilleure précision possible est placé sur une table tournante. Enfin, la cage contient une métasurface programmable qui permet de modifier la géométrie de la cage.
© Philipp del Hougne, IETR (CNRS/INSA Rennes/Univ. Rennes 1/Univ. Nantes/Centrale Supélec)

Références
Deeply Subwavelength Localization with Reverberation-Coded Aperture
Michael del Hougne, Sylvain Gigan, and Philipp del Hougne
Phys. Rev. Lett. 127, 043903 – Published 23 July 2021
DOI:
https://doi.org/10.1103/PhysRevLett.127.043903
Article disponible sur les bases d’archives ouvertes HAL et arXiv.

Contact

Philipp del Hougne
Chargé de recherche CNRS à l’Institut d’électronique et des technologies du numérique (IETR, CNRS/INSA Rennes/Univ. Rennes 1/Nantes Univ./CentraleSupélec)
Communication CNRS Ingénierie