Un transistor cryogénique pour observer un supraconducteur

Résultat scientifique Micro et nanotechnologies

Grâce à son expertise dans la réalisation de transistors cryogéniques à haute mobilité électronique, une équipe du C2N a permis à une équipe néerlandaise d’observer à l’échelle atomique les mécanismes qui expliquent le caractère isolant de la surface d’un cuprate, un métal-supraconducteur. Les résultats ont été publiés dans la revue Nature Physics.

Certains phénomènes électroniques dans les matériaux ne peuvent être observés qu'à très basse température, proche du zéro absolu, afin de minimiser le bruit thermique. Les chercheurs peuvent utiliser dans ce but un microscope à effet tunnel à basse température (LT-STM), dont la pointe fonctionne à moins de 4 Kelvin. Cependant, observer certains comportements des électrons du matériau restait encore impossible, en raison du câble électrique existant entre la pointe du LT-STM refroidie à très basse température et l’amplificateur à température ambiante (300 Kelvin). En effet, la capacité de ce câble court-circuite les signaux lorsque ces derniers dépassent le kilo-hertz. C'était notamment un obstacle sur lequel butaient les chercheurs qui voulaient étudier le mécanisme qui explique qu'un matériau supraconducteur de type cuprate peut posséder une surface isolante.

Une équipe du Centre de Nanosciences et de Nanotechnologies – C2N (CNRS/Université Paris-Sud-Université Paris-Saclay) a développé une solution en utilisant son expertise dans le domaine de la réalisation de transistors cryogéniques à haute mobilité électronique « cryoHEMTs ». Dans le cadre d’une collaboration avec des physiciens de l'Université Leiden (Pays-Bas), un amplificateur cryogénique à haute fréquence (MHz) a été optimisé et localisé près de la pointe d’un LT-STM fonctionnant à moins de 4 Kelvin. Grâce à ce dispositif, l'équipe néerlandaise a pu mesurer pour la première fois à l'échelle atomique le bruit super-Poissonien – un signal caractéristique des électrons piégés autour d'impuretés- à la surface du cuprate supraconducteur. Ce phénomène explique l'anisotropie du supraconducteur, qui est isolant dans une direction.

Le transistor cryoHEMT, réalisé dans les salles blanches du C2N (un des 5 sites du réseau Renatech) est le fruit d'années de recherche et développement au sein du C2N. Il illustre les avancées du laboratoire qui maîtrise l'ensemble de la filière : les matériaux, les procédés de fabrication (épitaxie par jet moléculaire, lithographie par faisceau d'électrons, gravure par faisceau d'ions...), et la caractérisation des circuits réalisés. Le cryoHEMT ouvre un nouvel horizon pour le LT-STM, mais également pour d’autres domaines de recherche à très basse température, comme la physique mésoscopique, les nanorésonateurs, les détecteurs en astrophysique, ou encore les détecteurs de matière noire.1

© Y. Jin/C2N
Figure : CryoHEMT fabriqué au C2N
© Y. Jin/C2N

Références :
Charge trapping and super-Poissonian noise centres in a cuprate superconductor,
K. M. Bastiaans, D. Cho, T. Benschop, I. Battisti, Y. Huang, M. S. Golden, Q. Dong, Y. Jin, J. Zaanen & M. P. Allan.
Nature  Physics (2018)
DOI:
10.1038/s41567-018-0300-z

  • 1Pour en savoir plus : http://phynano.c2n.universite-paris-saclay.fr/en/teams/nanofet/

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