Comment les forces capillaires affectent la structure du ciment à différentes échelles
La pâte de ciment est un milieu poreux multi échelle qui, au cours de sa durée de vie, peut subir une grande variation de son degré d'humidité. Il en résulte des contraintes capillaires, sources de possibles déformations du matériau. Des chercheurs du Laboratoire de mécanique et génie civil, en collaboration avec l’International Research Laboratory <MSE> et le MIT, ont créé un modèle pour simuler ces contraintes et évaluer leurs conséquences sur le matériau. Les résultats sont publiés dans la revue PNAS.
Parmi les facteurs qui contribuent à la dégradation des bâtiments et des constructions en béton, l'exposition aux précipitations et à l'humidité ambiante joue un rôle important. En effet, la pâte de ciment est un matériau poreux multi échelle (la taille des pores s'étend de 1 nm jusqu'au micron et au delà), et les variations du degré de saturation en eau induisent des contraintes capillaires, sources de déformations, et potentiellement de dégradation du béton. C'est pour mieux comprendre ce phénomène que des chercheurs du Laboratoire de mécanique et génie civil (LMGC, CNRS/Université de Montpellier), en collaboration avec l’International Research Laboratory <MSE>1 et le MIT, ont élaboré un modèle pour simuler la distribution du liquide dans la pâte de ciment en fonction du taux d'humidité relative, puis calculer les forces capillaires à l'échelle nanométrique et à l'échelle du micron, et finalement évaluer leurs conséquences sur la structure du matériau aux différentes échelles.
La méthode mise au point par les chercheurs repose sur la théorie de la fonctionnelle de la densité (DFT), issue de la physique statistique, et qui décrit explicitement le couplage fluide-solide. Associé à un modèle de la structure granulaire du ciment précédemment développé par la même équipe, elle a permis de calculer la force capillaire exercée sur chaque grain de ciment.
Les résultats obtenus sur la réponse globale de la matrice cimentaire au champ de contraintes capillaires montrent que des déformations irréversibles se produisent à l'échelle nanométrique, mais que la texture à l'échelle micrométrique n'est pas affectée par un séchage doux (i.e. quand l'humidité relative du ciment reste supérieure à 30%). Dans ce cas, les forces capillaires favorisent la relaxation de la structure du ciment, et sont plutôt bénéfiques pour la durabilité du béton. En revanche, dans des conditions de séchage extrêmes (humidité relative inférieure à 10%), l'effet des forces capillaires pourrait s'avérer destructeur.
En s'appuyant sur le même modèle de simulation, les chercheurs s'intéressent maintenant à des ciments de plus fortes densités que le ciment standard. Ils étudient également la possibilité de rendre les pores hydrophobes, afin d'améliorer la résistance du ciment aux cycles de gel/dégel.
Plus généralement, ces résultats sur la pâte cimentaire ouvrent la voie à la compréhension des contraintes induites par les phénomènes capillaires dans des milieux poreux hétérogènes, allant des matériaux de construction aux hydrogels et aux systèmes vivants, et plus globalement à l'étude de la poromécanique de milieux complexes multi-échelles.
Références :
Multiscale poromechanics of wet cement paste,
T. Zhou, K. Ioannidou, F.-J. Ulm, M. Z. Bazant, and R. J.-M. Pellenq
PNAS, 22, 10652-10657 (2019)
DOI: 10.1073/pnas.1901160116
- 1L’IRL <MSE> (matériaux multi-échelle pour l’énergie et l’environnement) est une unité mixte entre le MIT, le CNRS et Aix-Marseille Université.