Comment des contraintes mécaniques limitent l'efficacité de la chimiothérapie

Résultat scientifique Bioingénierie

Les contraintes de compression auxquelles sont soumises les tumeurs solides réduisent la prolifération des cellules, ce qui limite l'efficacité des agents de chimiothérapie. C'est ce qu'ont montré in vitro des chercheurs du LAAS-CNRS, sur le cancer du pancréas. Ces résultats, qui suggèrent de nouvelles stratégies thérapeutiques, sont publiés dans la revue Physical Review Letters.

Parmi les mécanismes cellulaires qui peuvent induire une résistance au traitement des cancers par chimiothérapie, le rôle des contraintes mécaniques sur une tumeur solide est encore mal compris. Or, des contraintes de compression, dues à l'interaction entre la tumeur et le tissu qui l'entoure, ont un fort impact sur la physiologie des cellules. Des chercheurs du LAAS-CNRS1 ont étudié l'influence des contraintes de compression sur l'efficacité d'un agent de chimiothérapie utilisé pour le traitement du cancer du pancréas, la gemcitabine. Ils ont ainsi observé l'effet de la gemcitabine sur un modèle in vitro de tumeur, d'abord en l'absence de contraintes mécaniques, puis en incluant les cellules dans une matrice élastique, qui exerce alors une compression sur la tumeur quand les cellules prolifèrent.

Ces essais ont montré qu'une tumeur in vitro répond bien mieux au traitement en l'absence de contraintes mécaniques. Plusieurs phénomènes pourraient expliquer cette différence : par exemple, la compression peut empêcher l'agent thérapeutique de pénétrer dans la tumeur, ou modifier son action sur les cellules. Afin d'identifier le mécanisme qui limite l'efficacité du traitement sous pression mécanique, les chercheurs ont élaboré un modèle mathématique de la prolifération des cellules. Ce modèle, qui permet de prédire les résultats effectivement obtenus par l'expérimentation, montre que la contrainte mécanique de compression a pour effet de diminuer la prolifération des cellules, avec pour conséquence une moindre efficacité de la molécule thérapeutique.

Comme la plupart des tumeurs solides sont soumises à des contraintes de compression, ces résultats suggèrent une nouvelle voie thérapeutique qui consisterait à contrôler, soit les contraintes engendrées par l'environnement de la tumeur, soit la manière dont les cellules réagissent à ces contraintes, afin d'optimiser l'efficacité de la chimiothérapie. L'équipe du LAAS, en collaboration avec leurs collègues de l'Inserm s'attachent maintenant à mieux comprendre comment la compression mécanique des cellules réduit leur prolifération.

Comment des contraintes mécaniques limitent l'efficacité de la chimiothérapie
© LAAS-CNRS

Références
Mechanical Control of Cell Proliferation Increases Resistance to Chemotherapeutic Agents
I. F. Rizzuti, P. Mascheroni, S. Arcucci, Z. Ben-Mériem, A. Prunet, C. Barentin, C Rivière, H. Delanoë-Ayari, H. Hatzikirou, J. Guillermet-Guibert, et M. Delarue
Phys. Rev. Lett. 125, 128103 (Septembre 2020)
https://doi.org/10.1103/PhysRevLett.125.128103

  • 1En collaboration avec l'Institut italien de technologie (Gênes, Italie), l'université de Gênes (Italie), le Helmotz centre for infection research (Allemagne), le Centre de Recherche en Cancérologie de Toulouse (Inserm,Toulouse), et l'Institut lumière matière (CNRS/Université de Lyon).

Contact

Communication CNRS Ingénierie
Morgan Delarue
Chargé de recherche CNRS au Laboratoire d'analyse et d'architecture des systèmes (LAAS-CNRS)