Augmenter la sensibilité de biocapteurs grâce à un matériau à changement de phase
Une équipe du laboratoire XLIM a réussi à augmenter d'un facteur mille la sensibilité de capteurs à résonance plasmonique de surface, qui pourraient notamment être utilisés pour la détection précoce de nombreuses maladies.
Les capteurs à résonance plasmonique de surface (SPR) constituent actuellement la référence en matière de biodétection sans marquage. Ils permettent de suivre en temps réel des interactions chimiques et biomoléculaires, et ont trouvé des applications dans le contrôle de la qualité des aliments, la surveillance de l'environnement, mais aussi le dépistage et le diagnostic précoce des maladies.
Pourtant, bien que commercialisés depuis plus de vingt ans, ces capteurs SPR ont des limites qui restreignent leur usage, notamment dans le domaine biomédical. Ainsi, la limite de sensibilité de la SPR ne lui permet pas de détecter des molécules biologiques et chimiques à faible concentration (c'est-à-dire < 10-15 mol/L) dans des matrices complexes telles que l'urine, la salive et le sérum sanguin. Or, la capacité à détecter des biomarqueurs spécifiques à des niveaux de concentration extrêmement faibles est essentielle pour le diagnostic précoce de diverses maladies humaines.
C'est pour combler cette lacune qu'une équipe du laboratoire XLIM (CNRS/Univ. Limoges)1 a développé un capteur SPR à très haute sensibilité pour détecter le facteur de nécrose tumorale (TNF-α), un biomarqueur largement utilisé pour identifier plusieurs maladies humaines, y compris les troubles inflammatoires tels que les maladies intestinales, l'ostéoarthrite, l'arthrite rhumatoïde, ainsi que les tumeurs malignes telles que le cancer de la bouche et du sein. D'infimes quantités de cette protéine circulent dans le sang, et la mesure précise de sa concentration est un défi technologique. Ces résultats sont publiés dans la revue Nano-Micro Letters.
Dans un capteur SPR, une onde d'électrons est créée à la surface d'un métal par une excitation optique. Cette onde est très sensible au milieu dans lequel elle se propage, ce qui permet de détecter la présence de molécules à la surface du capteur. Pour augmenter la sensibilité du capteur SPR, l'équipe de recherche a ajouté une couche supplémentaire ultra mince d'un matériau à changement de phase GST2 . Cette couche nanométrique a été réalisée par pulvérisation magnétron sur un mince film d'or. Elle a pour propriété d'absorber complètement l'onde optique incidente, ce qui augmente nettement la sensibilité.
Ainsi, le nouveau capteur est capable de mesurer des concentrations de l'ordre de 10-15 mole par litre, soit une sensibilité mille fois supérieure à celle des capteurs SPR actuels.
L'équipe poursuit ses travaux afin d'améliorer la spécificité du capteur pour différents biomarqueurs. Un projet se focalise sur l'utilisation du nouveau capteur pour détecter la présence de biomarqueurs de cancers, en collaboration avec le laboratoire CAPTuR de l'université de Limoges.
Références
Targeted Sub-Attomole Cancer Biomarker Detection Based on Phase Singularity 2D Nanomaterial-Enhanced Plasmonic Biosensor
Y. Wang, S. Zeng, A. Crunteanu, Z. Xie, G. Humbert, L. Ma, Y. Wei, A. Brunel, B. Bessette, J-C. Orlianges, F. Lalloué, O. G. Schmidt, N. Yu & H-P. Ho
Nano-Micro Letters 2021
DOI: https://doi.org/10.1007/s40820-021-00613-7
Article disponible sur les bases d’archives ouvertes HAL et arXiv.
- 1En collaboration avec : Department of Biomedical Engineering, The Chinese University of Hong Kong, (Chine) Department of Applied Physics and Applied Mathematics, Columbia University, New York (Etats-Unis) Institute for Integrative Nanosciences, IFW Dresden (Allemagne) Faculté de médecine de l'université de Limoges (France)
- 2Un matériau à changement de phase comme GST (Ge2Sb2Te5) peut passer de l'état amorphe à l'état cristallin sous l'action d'une impulsion optique, ce qui modifie sensiblement ses propriétés optiques.