Contrôler les bulles pour comprendre leurs interactions avec les microorganismes
Les interactions entre les bulles d’air et les microorganismes jouent un rôle essentiel pour le bon fonctionnement de ces derniers et peuvent influencer leur mouvement et propagation dans les milieux. Des chercheurs et chercheuses de laboratoires français et de l’ETH Zurich ont développé une nouvelle technique, mêlant microscopie à force atomique et microfluidique, pour scruter ces phénomènes en détail. Ces travaux ont été appliqués à l’étude d’une bactérie, d’une microalgue et d’une levure.
En suspension dans l’eau ou sous forme de films immergés, les cellules biologiques interagissent avec les bulles d’air. On retrouve ces échanges dans différents procédés, comme la séparation de microorganismes ou leur culture en bioréacteur. La microscopie à force atomique (AFM) est une technologie de choix pour l’étude des interactions entre les bulles et les biosurfaces, mais elle reste limitée par des problèmes de taille et d’instabilité des bulles. Elle fonctionne en effet avec de grosses bulles qui, à cause de l’équilibrage des gaz dans l’eau, rétrécissent rapidement : les mesures sont donc faussées, car faites avec des bulles de tailles trop variables pour être comparées. Des chercheurs et chercheuses du Toulouse Biotechnology Institute (TBI, CNRS/INSA Toulouse/Inrae), du Laboratoire d’analyse et d’architecture des systèmes (LAAS-CNRS, CNRS) et de l’École polytechnique fédérale de Zurich (ETH Zurich, Suisse) ont combiné l’AFM et la microfluidique pour produire des bulles d’air microscopiques, stables et dont la surface peut être fonctionnalisée. Ces résultats sont publiés dans la revue Journal of Colloid and Interface Science.
Pour cela, l’équipe a utilisé le système commercial FluidFM de façon originale. Il est basé sur des leviers AFM contenant un canal microfluidique, lui-même relié à un générateur de pression très précis. La technique développée par les chercheurs consiste à remplir ce canal microfluidique d’air, puis à l’immerger dans un liquide. Une pression positive appliquée dans le canal permet ainsi de former des bulles, dont la taille est variable en fonction de cette pression. Trois microorganismes modèles ont été étudiés avec ce système : une microalgue d’intérêt biotechnologique, ainsi qu’une bactérie et une levure pathogènes impliquées dans des infections nosocomiales. Les résultats ont montré, dans le cas des levures, qu’elles interagissaient à la fois via des interactions hydrophobes et électrostatiques avec les bulles, permettant de révéler toute la complexité de ces interactions. La technique développée permet également de fonctionnaliser les bulles, c’est-à-dire de recouvrir leur surface avec des molécules permettant de contrôler leur comportement.
L’équipe a ainsi réussi à moduler les interactions de bulles avec des bactéries. Les scientifiques appliquent à présent ces travaux à la séparation de microalgues d’un milieu liquide, une des étapes les plus coûteuses des procédés de production de microalgues à grande échelle.
Références
Probing the interactions between air bubbles and (bio)interfaces at the nanoscale using FluidFM technology.
Irem Demir, Ines Lüchtefeld, Claude Lemen, Etienne Dague, Pascal Guiraud, Tomaso Zambelli, Cécile Formosa-Dague.
Journal of Colloid and Interface Science, 604 (2021), 785-797.
https://doi.org/10.1016/j.jcis.2021.07.036