Une échographie pour les failles sismiques

Résultat scientifique

L’imagerie de la croûte terrestre passe par l’étude de la propagation d’ondes sismiques dans le sous-sol, et sa profondeur dépend de l’énergie de ces ondes. Une équipe de l’Institut Langevin et de l’ISTerre a développé une technique permettant une cartographie précise de la croûte terrestre sur une profondeur de quatre kilomètres, sans avoir à attendre un quelconque séisme. Ces travaux ont permis de localiser différentes structures géologiques le long de la faille de San Jacinto en Californie.

Les failles sismiques et les volcans sont composés de roches si hétérogènes qu’elles compliquent leur imagerie. Les techniques les plus courantes utilisent les ondes sismiques pour cartographier ces points d’intérêt de la croûte terrestre, mais elles demandent une activité sismique importante pour les explorer au-delà d’un kilomètre de profondeur. Des chercheurs et chercheuses de l’Institut Langevin (CNRS/ESPCI Paris - PSL) et de l’Institut des sciences de la Terre (ISTERRE, CNRS/UGA/Univ. Savoie Mont Blanc/IRD) ont mis au point une nouvelle méthode d’imagerie, dite matricielle passive, qui plonge jusqu’à quatre kilomètres de profondeur et localise les points d’intérêt avec une précision de 80 mètres à partir du seul bruit sismique. Ces résultats ont été obtenus au niveau de la faille californienne de San Jacinto et ont révélé les différents arrangements de couches géologiques autour de la faille, ainsi que fissures et fractures que les techniques d’imagerie conventionnelles échouent à révéler.  Ils sont publiés dans la revue Geophysical Journal International.

Pour y parvenir, les scientifiques ont déployé un dense réseau de géophones, qui captent non pas les fortes secousses des tremblements de terre, mais le bruit sismique induit par le vent, l’océan ou encore l’activité humaine. L’ensemble des signaux mesurés sur plusieurs mois a servi à construire une matrice de réflexion, inspirée de travaux précédents de la même équipe sur l’échographie ultrasonore et la microscopie optique. Cette matrice est exploitée pour compenser finement les distorsions que les ondes sismiques subissent en traversant les différentes structures géologiques de la croûte terrestre. Les hétérogénéités du sous-sol ne sont alors plus une gêne, mais diffusent au contraire les ondes d’une manière qui est ici exploitée pour améliorer singulièrement la résolution de l’image de la croûte terrestre.

Cette technique d’imagerie matricielle passive s’applique à n’importe quel réseau dense de géophones, et ouvre ainsi un vaste champ d’applications en sismologie, en géophysique ou encore pour le suivi de la fonte des glaciers. L’équipe applique à présent leur technique à l’imagerie du volcan de la Soufrière, en Guadeloupe, ainsi que sur la faille nord-anatolienne en Turquie.

Vue transversale de la faille de San Jacinto. La technique classique d’imagerie confocale (a) souffre fortement des aberrations induites par les fluctuations de vitesse des ondes sismiques dans les couches superficielles de la croûte terrestre. L’imagerie matricielle (b) compense finement ce phénomène afin d’obtenir une image haute résolution de la structure de la faille en profondeur. La localisation de la faille en profondeur peut ainsi être circonscrite (zone d’ombre), avec de part et d’autre des structures géologiques distinctes (traits horizontaux jaunes et verts).
Vue transversale de la faille de San Jacinto. La technique classique d’imagerie confocale (a) souffre fortement des aberrations induites par les fluctuations de vitesse des ondes sismiques dans les couches superficielles de la croûte terrestre. L’imagerie matricielle (b) compense finement ce phénomène afin d’obtenir une image haute résolution de la structure de la faille en profondeur. La localisation de la faille en profondeur peut ainsi être circonscrite (zone d’ombre), avec de part et d’autre des structures géologiques distinctes (traits horizontaux jaunes et verts).
© Alexandre Aubry/Institut Langevin/Rita Touma/ISTerre

Références
A distortion matrix framework for high-resolution passive seismic 3-D imaging: Application to the San Jacinto fault zone, California.
R. Touma, T. Blondel, A. Derode, M. Campillo, A. Aubry.
Geophys. J. Int. 226, 780–794, 2021.
https://doi.org/10.1093/gji/ggab133

Article disponible sur les bases d’archives ouvertes HAL et arXiv.

Contact

Alexandre Aubry
Directeur de recherche CNRS à l'Institut Langevin (CNRS/ESPCI Paris-PSL)
Michel Campillo
Professeur de l'Université Grenoble Alpes, Institut des sciences de la Terre (ISTERRE, CNRS/Institut de recherche pour le développement/Université Grenoble Alpes/Université Savoie Mont-Blanc)
Communication CNRS Ingénierie