Programmer le calcul de la dérivée d'une fonction avec des ondes
Une équipe de l’Institut d’électronique et des technologies du numérique a conçu un système de diffusion aléatoire des ondes, à partir duquel elle a réalisé le calcul de la dérivée d'une fonction de manière fiable et ultra-rapide. Point fort du système : il est programmable, ce qui lui donne une grande flexibilité. Les applications potentielles concernent la compression et l'analyse d'images, ou encore le traitement de signaux radar.
Calculer avec des ondes ? L'idée consiste à faire un calcul en utilisant, non plus un processeur numérique, mais l'interaction entre une onde incidente et un matériau. En effet, si une fonction est codée dans l'onde incidente, l'interaction avec un matériau spécialement conçu peut réaliser une opération mathématique sur ce signal incident, par exemple calculer sa dérivée. L'opération est ultra rapide, et ne consomme que peu ou pas d'énergie. Mais ce système a un double inconvénient. Il est très sensible aux perturbations (qualité de fabrication du matériau, variations de l'environnement), et manque de flexibilité : un système spécifique doit être fabriqué pour chaque fréquence d'onde incidente.
Une équipe de l’Institut d’électronique et des technologies du numérique (IETR, CNRS/INSA Rennes/Université Rennes 1/Université de Nantes/Centrale Supélec) propose une solution pour s'affranchir de ces limites. Elle s'est pour cela attaquée au calcul d'une dérivée, qui est l'opération la plus sensible aux perturbations lorsqu'on la réalise avec des ondes, car il faut pour cela imposer une condition de zéro diffusion. Les résultats sont publiés dans la revue Nature Communications.
Le nouveau dispositif est plutôt inattendu, car il repose sur une diffusion aléatoire des ondes, mais que les chercheurs perturbent de manière contrôlée pour réaliser l'opération mathématique visée. Il est constitué d'une cage métallique de forme irrégulière dans laquelle est injectée l'onde incidente, porteuse de la fonction à dériver. Le système de diffusion ainsi créé est chaotique, et pour le contrôler, les scientifiques ont introduit dans l'enceinte des méta surfaces programmables : des matrices d'éléments résonateurs commandables individuellement. L'ensemble confère au système des centaines de degrés de liberté, ce qui permet de l'adapter à l'opération à réaliser. L'expérimentation a montré que le système pouvait facilement être adapté à des ondes de différentes fréquences.
Le calcul de dérivées intervient dans des opérations comme la compression et l'analyse d'images, ou encore le traitement de signaux radar. Pour développer leur dispositif en vue de ces applications potentielles, un projet de prématuration soutenu par le CNRS est envisagé.
Références
Meta-programmable analog differentiator
Jérôme Sol, David R. Smith & Philipp del Hougne
Nature Communications volume 13, Article number: 1713 (2022)
https://doi.org/10.1038/s41467-022-29354-w
Article disponible sur les bases d’archives ouvertes HAL et arxiv