Des microparticules pour étudier le comportement des bactéries dans un écoulement
L'étude expérimentale de microparticules dotées d'une queue hélicoïdale, placées dans un fluide, permet de mieux comprendre le comportement des bactéries dans des écoulements. Les résultats obtenus au laboratoire Physique et mécanique des milieux hétérogènes, en collaboration avec l'Université de Vienne (Autriche), sont publiés dans la revue PNAS.
Certains micro-organismes, comme certaines bactéries, sont dotées de flagelles hélicoïdaux dont la rotation permet aux bactéries de nager. Sous écoulement, on observe un phénomène appelé rhéotaxie induite par l’hélicité des flagelles, et qui décrit la réorientation des bactéries perpendiculairement à la direction de l'écoulement. Cette réorientation est directement observée dans des suspensions bactériennes mais les mécanismes sous-jacents restent encore largement inconnus. En particulier, le rôle de la forme des micro-nageurs est difficile à étudier sur le système biologique, car on ne peut la modifier. C'est pour s'affranchir de ces limites qu'une équipe du laboratoire Physique et mécanique des milieux hétérogènes (PMMH, CNRS/ESPCI-PSL/Sorbonne Université/Université Paris Cité) a réalisé un modèle expérimental à l'aide de microparticules qui imitent la forme des bactéries à flagelles.
Ces particules, constituées d'une tête sphérique et d'une queue hélicoïdale, toutes deux d'un diamètre de 10 μm, ont été fabriquées par une technique d’impression 3D sub-micronique (photo-polymérisation à deux photons). Différentes formes ont été réalisées, en faisant varier, la longueur et le pas de l'hélice, ainsi que sa chiralité (hélice droite ou gauche). Leur dynamique, vitesse et orientation, a été étudiée dans un canal microfluidique dans lequel un fluide s’écoule de façon contrôlée. Le suivi des particules en microscopie a révélé une dynamique d'orientation originale : elles oscillent dans le courant avant de se stabiliser dans une position perpendiculaire à la direction de l’écoulement avec l’hélice d’un côté ou de l’autre, en fonction de leur chiralité. L'étude expérimentale a mis en évidence l'influence de la chiralité des particules et de leur géométrie, mais aussi des conditions initiales, sur la position d'équilibre finale des particules. Un modèle théorique du phénomène a également été développé par des chercheurs de l'université de Vienne, co-signataires de la publication. Les simulations effectuées donnent des résultats en parfait accord avec les données expérimentales.
Ces résultats devraient faciliter une meilleure compréhension de phénomènes biologiques complexes. A plus long terme, ils ouvrent aussi des perspectives vers la création de micro-robots à vocation thérapeutique, pour la délivrance ciblée de médicaments dans le corps. L'étude des micro-particules chirales au laboratoire PMMH pourrait se prolonger dans des fluides complexes, plus proche des liquides biologiques naturels. Une autre piste de recherche serait d'observer le comportement de plusieurs particules simultanément, afin de mettre en évidence leurs interactions.
Stabilisation d'une particule chirale ''gauche'' dans un écoulement
© PNAS
Références
Asymmetric bistability of chiral particle orientation in viscous shear flow
Andreas Zöttl, Francesca Tesser, Daiki Matsunaga, Justine Laurent, Olivia du Roure, and Anke Lindner
PNAS, 31 octobre 2023
https://doi.org/10.1073/pnas.2310939120
Article consultable sur la base d’archives ouvertes Arxiv