Comment un laser femtoseconde interagit avec un verre

Résultat scientifique

En combinant mesures expérimentales et modélisation, des scientifiques ont décrit précisément le processus d'interaction d'un laser femtoseconde avec la silice amorphe. La modélisation de ce phénomène complexe, multiphysique et multiéchelle, validée expérimentalement, peut maintenant être exploitée pour maîtriser l'interaction laser/matière, dans le but d'optimiser le traitement de matériaux, ou de les fonctionnaliser par une structuration 3D. Ces résultats sont publiés dans la revue Physical Review B.

Les lasers à impulsions femtoseconde permettent de créer localement une forte interaction entre la lumière et la matière. Un processus complexe, multiphysique et multiéchelle, car différents processus physiques se déroulent sur une échelle de temps étendue, de la centaine de femtosecondes (10-15s) jusqu'à la nanoseconde (10-9s). Mieux comprendre ce phénomène permettrait d'améliorer de nombreux procédés de traitement et de structuration des matériaux à l'aide de lasers femtoseconde, dont certains sont déjà utilisés industriellement. 

Une équipe du laboratoire Lasers, plasmas et procédés photoniques (LP3, Aix-Marseille Université/CNRS) a mis au point un dispositif expérimental conçu pour recueillir des informations quantitatives sur l'interaction d'un laser femtoseconde avec le verre (silice amorphe), sur l'ensemble des échelles de temps du phénomène. Deux faisceaux lasers sont utilisés, l'un pour créer l'interaction avec le matériau, l'autre pour réaliser des mesures optiques. Les mesures de transmission donnent la quantité d'énergie laser absorbée par la matière, tandis que des mesures de biréfringence - propriété qui caractérise l'anisotropie du matériau - permettent d'évaluer les contraintes créées par les fortes pressions induites localement.

Un modèle multiphysique de l'interaction laser/matière a été élaboré, en prenant en compte la propagation des impulsions laser, la dynamique des électrons créés par photoionisation du matériau, et la réponse du matériau à l'énergie qu'il reçoit. Les simulations réalisées avec ce modèle, qui a été validé expérimentalement, ont permis de prédire l'évolution temporelle des propriétés locales du matériau durant le processus d'interaction. Les chercheurs ont ainsi évalué la pression locale maximale créée par l'impulsion laser intense et ultrabrève (>10 GPa), ainsi que la température atteinte (>10.000 K). Par ailleurs, l'étude a également révélé que, contrairement aux idées reçues, seule l’émission d’une onde de choc de faible amplitude et de courte durée de vie (<500 ps) est générée par l'interaction avec le laser. Une fraction minime de l'énergie laser absorbée (2%) contribue à la génération de cette onde. 

Disposer d'un modèle validé couvrant l'ensemble du processus d'interaction devrait maintenant permettre de mieux contrôler l'interaction laser/matière, afin par exemple d'obtenir la structuration voulue, ou d'éviter l'apparition de défauts lors d'un traitement de matériau par laser (découpe, marquage, soudure...). L'équipe du LP3 a ainsi lancé un nouveau projet financé par l'ANR, Espresso, dont l'objectif est d'explorer les possibilités de fonctionnalisation de la silice, en modifiant localement ses propriétés optiques mécaniques, et thermiques.

Une impulsion laser ultrabrève est focalisée à l’intérieur d’un verre (SiO2) (image du dessus). Elle produit une photoionisation du matériau, que révèle la mesure de transmission optique transitoire (en bas à gauche). La relaxation de l’énergie s’effectue en partie par émission d’une onde de contrainte mise en évidence par mesure de biréfringence transitoire (en bas à droite).
© LP3 (CNRS/AMU)

Références
Quantitative assessment of femtosecond laser-induced stress waves in fused silica.
Olga Koritsoglou, Guillaume Duchateau, Olivier Utéza, and Alexandros Mouskeftaras.
Physical Review B, publié le 26 août 2024.
https://doi.org/10.1103/PhysRevB.110.054112
Article disponible sur la base d’archives ouvertes HAL

Contact

Alexandros Mouskeftaras
Chargé de recherche CNRS au laboratoire Lasers, plasmas et procédés photoniques (LP3, Aix-Marseille Université/CNRS)
Communication CNRS Ingénierie