Un nouveau système pour l’étude en 3D de la matière active
Lorsque des particules auto-entraînées interagissent avec leurs voisines et créent des mouvements collectifs, on parle de matière active. Une collaboration franco-américaine a développé un système expérimental capable d’explorer le comportement de la matière active en trois dimensions. Publiés dans la revue Nature Physics, ces travaux ont permis d’observer un nouveau mécanisme d’autopropulsion hydrodynamique de particules en rotation ainsi que la formation d’essaims en 3D avec un système artificiel.
Tout comme les bancs de poissons et les vols d’oiseaux, la matière non vivante peut aussi présenter des mouvements émergents et complexes. Cette matière « activée », dont les déplacements sont nourris par une source d’énergie extérieure, est au cœur de nombreux travaux fondamentaux. Son étude est cependant difficile en laboratoire et se cantonne souvent à des expériences en deux dimensions, à la surface d’un support. Des chercheurs et chercheuses des universités américaines de Chicago et de New York, dont Séverine Atis, désormais chargée de recherche CNRS à l’Institut P’ (CNRS), ainsi que de l’Institut Flatiron (États-Unis) ont développé un système expérimental permettant d’explorer les mouvements en volume de la matière active dans un environnement en trois dimensions. Celle-ci se présente sous la forme de particules magnétiques mises en rotation rapide à l’intérieur d’un fluide. Les particules sont en polydiméthylsiloxane (PDMS), un élastomère qui est ensuite enrichi en poudre d’oxyde de fer. Le tout est cuit, découpé en petits cylindres et magnétisé dans une direction choisie par leur passage dans l’entrefer d’un aimant puissant. Les particules sont ensuite contrôlées par des champs magnétiques externes.
En tournant sur elle-même, chaque particule génère un champ hydrodynamique local qui leur permet d’interagir avec ses voisines. La combinaison de ces interactions avec celles produites par le champ magnétique individuel des particules fait apparaître une dynamique riche, où les particules peuvent s’apparier en duos ou encore nager en essaim. Le système a notamment donné lieu à une première observation de mouvements collectifs en 3D formés à partir d’éléments chiraux. Lorsque toutes les particules tournent dans le même sens, on perd certaines symétries dans le système. La dynamique engendrée à grande échelle peut alors hériter de cette chiralité qui va être sélectionnée par le sens de rotation à petite échelle. Ce nouveau système expérimental constitue par conséquent une plateforme idéale pour la recherche fondamentale sur la dynamique de la matière active dite chirale. Il permettra également d’aborder des questions sur les propriétés physiques de la turbulence en présence de brisures de symétrie d’inversion du temps. L’équipe souhaite à présent développer un système plus grand, capable d’abriter jusqu’à plus de cinquante mille particules activées.
Références
Self-propulsion, flocking and chiral active phases from particles spinning at intermediate Reynolds numbers.
Panyu Chen, Scott Weady, Severine Atis, Takumi Matsuzawa, Michael J. Shelley, and William T. M. Irvine.
Nature Physics, 2024.
https://doi.org/10.1038/s41567-024-02651-5